Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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UNE « OCHE EN UN BASTON » CHEZ LES TALEMELIERS DU XIIIe SIECLE
 
Entre 1261 et 1271 le prévôt de Paris, Etienne Boileau, fait consigner les us et coutumes des métiers de Paris. Cet ensemble de réglements est appelé communément le « Livre des Métiers ». Ce volumineux et précieux document a été édité en 1879 et réédité en 2005.
Les articles du titre I concernent les talemeliers ou boulangers. Ce sont les seuls qui comportent la procédure rituelle attachée à l’accès à la maîtrise, c’est-à-dire au droit d’exercer à son compte. Ils disposent que celui qui a acheté le métier doit payer au roi diverses redevances, à l’Epiphanie, à Pâques et à la Saint Jean-Baptiste, et ce durant quatre ans, avant de pouvoir être pleinement intégré dans la corporation.
 
Au cours de cette période, il est indiqué que : « Et aussi doit faire le nouveau talemelier, chaque année des quatre années susdites, une oche en un bâton à l’Epiphanie, avec celui qui détient la coutume du pain de par le roi. » (article XII des statuts).
Une « oche », c’est une « coche » ou « encoche ». Cette singulière coutume n’est pas sans évoquer la pratique des baguettes détenues par le boulanger et son client, qui étaient rapprochées et encochées lorsque le boulanger lui fournissait du pain à crédit. A la fin d’une période convenue, le boulanger et son client comptaient le nombre de coches, qui était identique, et les bons comptes faisaient les bons amis. (voir l’article La coche de boulanger). L’usage en est aussi attesté chez les bouchers. Il s’est éteint il y a un demi-siècle dans certaines régions.
 
Une fois les quatre années de « stage » accomplies, le nouveau boulanger se rendait chez le maître des boulangers, accompagné de ses confrères. Il faisait constater l’accomplissement de son temps grâce au bâton entaillé, brisait sur la façade de la maison un pot de terre empli de noix et d’oublies (gâteaux secs) et entrait dans la maison où lui et ses accompagnants célébraient ce jour par un banquet (article XIII ).
 
Le bâton à coches se nommait un « échantillon ». Il ne fallait pas le perdre, sous peine d’amende : « Si le nouveau talemelier perd son eschantillon une fois ou plusieurs dedans les quatre années susdites, il devra, chaque fois qu’il le perdra, un chapon ou XII deniers pour le chapon,  à celui qui garde la coutume du roi. » (article XVIII).
 
L’illustration représente un boulanger au travail. Elle figure dans un missel franciscain du XVe siècle conservé à la bibliothèque municipale de Lyon. Elle a été reproduite dans le livre de Sophie Cassagnes-Brouquet : Les métiers au Moyen Age (Ed. Ouest-France, 2008).
 
Article rédigé par Laurent Bastard. Merci :)
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1 Comment to “UNE « OCHE EN UN BASTON » CHEZ LES TALEMELIERS DU XIIIe SIECLE”

  1. [...] Sur le mot lui-même, il faut remarquer que le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL) le définit bien comme une « matrice type », une « dimension réglementaire », une sorte de gabarit. Cela correspond au bâtonnet lui-même. Mais cela n’explique pas pourquoi les morceaux de bois qui sont destinés à être carbonisés prennent aussi le nom d’échantillons, comme nous l’avons vu plus haut. Ils ne sont les modèles que d’eux-mêmes. On peut donc se demander si ce morceau de bois n’aurait pas revêtu autrefois un sens particulier. Ce qui nous incite à le croire, c’est que nous l’avons déjà rencontré dans un autre contexte professionnel, celui des boulangers. Selon les règlements arrêtés par Etienne Boileau au XIIIe siècle pour les métiers de Paris, le nouveau talemelier (boulanger) se voyait remettre un bâton par celui qui encaissait les redevances au profit du roi, et à chaque paiement annuel durant quatre ans, on faisait une « coche » (encoche) sur ledit bâton. Il ne fallait pas le perdre sous peine d’amende. Or, comment se nommait ce bâton ? Un « échantillon » ! (voir l’article : Une « oche en un baston » chez les talemeliers du XIIIe siècle). [...]

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