Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
Bibliothèque de ressources historiques, culturelles, artistiques, litteraires, sportives…sur la canne et le bâton, en France et dans le monde…
LE MANDARIN, LES PETITS BATONS ET LE PAN TSEE

La bastonnade, châtiment autrefois universel, était appliquée sur diverses parties du corps selon les régions du monde (dos, fesses, plante des pieds) et le type de bâton différait également. En Chine, c’était le « pan tsëe ».

Voici sur ce douloureux sujet ce qu’en a rapporté en 1736 le jésuite Jean-Baptiste du HALDE dans sa « Description géographique, historique, chronologique, politique et physique de l’Empire de la Chine et de la Tartarie chinoise », tome II, p. 157-158. On y verra l’usage de petits bâtons pour annoncer une sentence :

« De la punition particulière de la bastonnade.
Il n’y a point de fautes impunies à la Chine : tout est déterminé. La bastonnade est le châtiment ordinaire pour les fautes les plus légères. Le nombre de coups est plus ou moins grand, selon la qualité de la faute. C’est la peine dont les officiers de guerre punissent quelquefois sur le champ les soldats chinois, mis en sentinelle toutes les nuits dans les rues et les places publiques des grandes villes, quand on les trouve endormis.
Quand le nombre de coups ne passe pas vingt, c’est une correction paternelle, qui n’a rien d’infâmant, et l’Empereur la fait quelquefois donner à des personnes de grande considération, et ensuite les voit, et les traite comme à l’ordinaire.

Du Pan tsëe ou instrument de correction.
Il faut très peu de chose pour être ainsi paternellement châtié : avoir volé une bagatelle, s’être emporté en paroles, avoir donné quelques coups de poing : si cela va jusqu’au mandarin, il fait jouer aussitôt le Pan tsëe. C’est ainsi que s’appelle l’instrument dont on bat les coupables. Après avoir subi le châtiment, ils doivent se mettre à genoux devant le juge, se courber trois fois jusqu’à terre, et le remercier du soin qu’il prend de leur éducation.
Le Pan tsëe est une grosse canne fendue, à demi plate, de quelques pieds de longueur. Elle a par le bas la largeur de la main, et par le gaut elle est polie et déliée, afin qu’elle soit plus aisée à empoigner. Elle est de bambou, qui est un bois dur, massif et pesant.

De la manière de donner la bastonnade.
Lorsque le mandarin tient son audience, il est assis gravement devant une table, sur laquelle est un étui rempli de petits bâtons longs de plus d’un demi-pied, et larges de deux doigts. Plusieurs estassiers (officiers) armés de Pan tsëe l’environnent. Au signe qu’il donne en tirant et jetant ces bâtons, on saisit le coupable, on l’étend ventre contre terre, on lui abaisse le haut des chausses jusqu’aux talons et autant de petits bâtons que le mandarin tire de son étui, et qu’il a jeté par terre, autant d’estassiers se succèdent qui appliquent les uns après les autres chacun cinq coups de Pan tsëe sur la chair nue du coupable.
On change d’exécuteur de cinq coups en cinq coups, ou plutôt deux exécuteurs frappent alternativement chacun cinq coups, afin qu’ils soient plus pesants, et que le châtiment soit plus rude.
Il est néanmoins à remarquer que quatre coups sont toujours réputés pour cinq, et c’est ce qui s’appelle la grâce de l’Empereur, qui, comme père, par compassion pour son peuple, diminue toujours quelque chose de la peine. Il y a un moyen de l’adoucir, c’est de gagner par argent ceux qui frappent : ils ont l’art de se ménager de telle sorte que les coups ne portent que légèrement, et que le châtiment devient presque insensible. (…)
Ce n’est pas seulement dans son tribunal qu’un mandarin a le pouvoir de faire donner la bastonnade : il a le même droit en quelque endroit qu’il se trouve, même hors de son district. C’est pourquoi, quand il sort, il a toujours dans son cortège des officiers de justice qui portent des Pan tsëe.
Pour un homme du peuple, il suffit de n’avoir pas mis pied à terre à son passage, si l’on est à cheval, ou d’avoir traversé la rue en sa présence, pour recevoir cinq ou dix coups de bâtons par son ordre. L’exécution est si prompte qu’elle est souvent faite avant que ceux sont présents s’en soient aperçus. Les maîtres usent du même châtiment à l’égard de leurs disciples, les pères à l’égard de leurs enfants et les seigneurs pour punir leurs domestiques, avec cette différence que le Pan tsëe est moins long et moins large. »

L’illustration représente une scène de bastonnade sur les paumes, lors d’un arrêt de la cour mixte de Changhaï au XIXe siècle et est extraite de « Chine d’hier et d’aujourd’hui », de P. Huard et Ming Wong (1960).

Article rédigé par Laurent Bastard. Merci :)

Tags:

1 Comment to “LE MANDARIN, LES PETITS BATONS ET LE PAN TSEE”

  1. [...] jetant des bâtonnets symbolisant les coups de bâton à distribuer au coupable (voir l’article : Le mandarin, les petits bâtons et le pan tsee) ; selon une source, c’était le juge lui-même qui brisait une baguette en autant de fragments [...]

Leave a Reply