Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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LE BATON DES SCHULTHEISS (PREVOTS) ALSACIENS ET ALLEMANDS

Mme Christine MULLER, attachée de conservation du patrimoine à Obernai (Bas-Rhin), a eu la gentillesse de nous communiquer l’article fort intéressant qu’elle a consacré aux « Sceaux de notables à Rosheim (XVIe-XVIIIe siècles », publié en 2016 dans l’Annuaire de la Société d’histoire et d’archéologie de Molsheim et environs, p. 57-78. A la fin de cet article, une annexe porte sur « Les symboles du pouvoir ». Comme on peut s’y attendre après les références qui ont fait l’objet d’articles sur ce blog, le bâton est l’un de ces symboles du pouvoir.

Christine MULLER constate en effet que les sceaux de particuliers conservés à Rosheim (Bas-Rhin) sont des sceaux de « Schultheiss » ou « Stabhalter », c’est-à-dire de prévôts, magistrats rendant la justice dans le domaine qui le concernait. Or, cette fonction était symbolisée par un bâton (Stab).

L’auteure en donne plusieurs exemples par l’image, tel le dessin du prévôt des échevins du tribunal de Oberhadamar (1468), qui représente deux bâtons (de pèlerin ?) en sautoir, sur un écu. Un autre dessin nous montre sur un écu deux bras se transmettant un bâton en forme de bourdon. La passation de pouvoir entre les prévôts était formalisée par la remise du Stab.
D’autres titulaires de fonctions étaient porteurs d’un bâton, tel le bourgmestre.

Mme MULLER remarque aussi que : « A propos des « insignes du pouvoir », la chronique paroissiale de Hurtigheim relate que, suite à une ordonnance royale stipulant que seuls les catholiques pouvaient exercer la fonction de Schultheiss, on prit l’habitude d’appeler Stabhalter la plus haute fonction du Magistrat, à cause d’un bâton (Stab) muni d’un bouton en argent dans lequel se trouvait du sel et du poivre, le symbole de leur dignité ». Singulier symbole…

Elle signale aussi une gravure de Jost Amman, de 1589, à Francfort, représentant un Schultheiss siégeant et ajoute : « Lorsqu’une sentence de mort était rendue, ce bâton – sans doute remplacé pour l’occasion par une baguette sans valeur – était brisé ». On rapprochera ce rite de celui en usage dans l’ancienne Chine, lorsqu’un mandarin prononçait sa sanction en jetant des bâtonnets symbolisant les coups de bâton à distribuer au coupable (voir l’article : Le mandarin, les petits bâtons et le pan tsee) ; selon une source, c’était le juge lui-même qui brisait une baguette en autant de fragments indiquant le nombre de coups (voir l’article : Coups de bambou en Chine en 1845).

Des cannes de Schultheiss ont été conservées dans les musées du Palatinat (à Speyer (Spire), où se trouve celle de la commune d’Arzheim, avec une dragonne et un pompon) ou du Pays de Bade (à Müllheim-sur-le-Rhin). Elles sont longues d’environ 1,50 m et en bois précieux ; l’une d’elle, datable de 1760-1770, porte sur son pommeau d’argent les armes de l’évêché de Spire et de l’abbaye de Wissembourg. Ce pommeau d’argent semble avoir été caractéristique de ces « bâtons d’autorité » puisque l’appariteur (Rathsbott) ou sergent de ville de Rosheim faisait périodiquement réparer cet élément au XVIIIe siècle par les orfèvres de la ville.

Observatrice attentive de tous ces « détails » symboliques et emblématiques, Christine MULLER a aussi publié en 2016 le 1er tome d’une remarquable étude, abondamment illustrée, sur les « Emblèmes de métiers en Alsace » (Strasbourg, Fédération des sociétés d’histoire et d’archéologie d’Alsace). Nous la remercions de nous avoir signalé la présence des anciens « bâtons d’autorité » de sa région.

Les trois illustrations de cet article sont extraites de son étude sur les sceaux de notables à Rosheim, où sont mentionnées leurs sources.

Article rédigé par Laurent Bastard, avec un grand merci également à Madame Christine Muller :)

1 Comment to “LE BATON DES SCHULTHEISS (PREVOTS) ALSACIENS ET ALLEMANDS”

  1. [...] Peut-être s’agit-il d’un écho d’anciennes coutumes judiciaires existant autrefois chez les Tchèques ? Souvenons-nous en effet qu’en Alsace et en Allemagne, aux XVe-XVIe siècles, comme nous en a informé Christine MULLER, le Schultheiss (magistrat) brisait une baguette lorsqu’il prononçait une sentence de mort (voir l’article : Le bâton des Schultheiss (prévôts) alsaciens et allemands). [...]

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