Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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LA VOUTE DE CANNES DES COMPAGNONS (SUITE)

En 2010, nous avions consacré un article à La voûte de cannes des compagnons, qui fut suivi d’autres sur ce thème, avec photos de ce rite accomplit au-dessus des mariés si l’un d’eux est compagnon, ou de personnalités à honorer par cette voûte symboliquement protectrice.
Nous pensions qu’il avait dû s’introduire chez les compagnons de façon informelle, sans doute durant les dernières années du XIXe siècle, probablement par imitation du rite maçonnique de la « voûte d’acier », qui se pratique avec des épées au-dessus des dignitaires de cet ordre. Ce rite est attesté au XVIIIe siècle.
En fait, la voûte de cannes compagnonniques semble plus récente. Après enquête et recherches dans la presse compagnonnique, nous n’en avions pas trouvé trace avant la seconde moitié du XXe siècle.

La lecture d’un tiré à part en 1958 de la revue « Arts et traditions populaires » d’avril-décembre 1957, intitulé « Un rite de passage rénové et popularisé, la voûte », écrit par Roger LECOTTE, est venue récemment renforcer nos conclusions.

Roger Lecotté écrit notamment : « Il semble que la coutume moderne ait débuté, en France, dans les milieux sportifs et, plus précisément, chez les coureurs cyclistes, vers 1925 nous a-t-on dit. Mais il faudrait interroger les anciens coureurs et dépouiller aussi les magazines du sport depuis 1900. (…) Quant aux sources, historiques ou traditionnelles possibles, de la voûte en général, nous les étudierons ci-après mais, à part la « voûte d’acier », nous n’avons trouvé (ce qui paraît assez étonnant) aucune mention d’un tel rite de passage dans les dictionnaires des symboles, des institutions, des antiquités, des liturgies et autres ouvrages spécialisés. Les rituels de tous ordres sont restés muets en général. » (…) « Donc les mots : soutenir, protéger, concilier, sacraliser, initier, honorer, traduisent éloquemment les vertus symboliques de la voûte telles que la coutume ici étudiée les requiert. »

L’une des plus anciennes images du rite a été publiée sur ce blog avec l’article : La voûte de faucilles des néo-druides, qui eut lieu à la sortie d’un mariage au Pays de Galles en 1908. La photo aurait intéressé Roger Lecotté.

A propos du rite chez les compagnons, la voûte de cannes, Roger Lecotté écrit : « Nous ne trouvons nulle mention d’un usage de la voûte, pas plus dans les « Règles » ou « Devoirs » que dans les relations des auteurs spécialisés pourtant riches en détails sur cette « Chevalerie ouvrière ». Des vieux compagnons nous ont affirmé l’existence de « voûtes de couleurs (rubans) et de cannes », dans les Cayennes ou sièges, en diverses occasions, sans les fixer dans le temps. Aucune des nombreuses images relatant leurs usages ne signale la voûte. Cependant, au XXe siècle, la coutume a lieu pour honorer de hautes personnalités (nous avons assisté à plusieurs de ces cérémonies notamment lors de la réception des compagnons du Tour de France à l’Hôtel de Ville de Paris pour le centenaire de la Révolution de 1848 (voûte faite à M. Henri Vergnolle, président du Conseil municipal). »

Enfin, plus loin, passant en revue les « voûtes modernes », sportives, corporatives et sociales, R. Lecotté dresse une liste des occurrences du rite découvertes dans la presse. La presque totalité débute à la fin des années 1940 et surtout en 1950. Nous en relevons deux qui intéressent notre sujet.

A propos des « voûtes sociales », il signale, p. 276, celles des «Groupes de jeunesse et cite celle faite avec des « bâtons (scouts ), au cardinal Dubois, messe Sainte-Barbe, Paris » dans le magazine « Vu » du 5 décembre 1928, et il ajoute en note : « Les scouts font couramment la voûte et dans tous les pays, , semble-t-il. Notre ami D. Loucatos nous signale cet usage en Grèce. »
Nous le confirmons aussi et ce blog en a donné une photographie des années 1940 dans l’article : Voûte de bâtons des scouts et compagnons de France.

Quant aux voûtes corporatives, R. Lecotté évoque les voûtes artisanales et cite, p. 273, celle de « cannes de compagnons vitriers-peintres, Union Compagnonnique » lors d’un mariage en 1941, et d’autres postérieures (1951, 1954…). Or il y en eut une autre, et non des moindres, que les compagnons et R. Lecotté lui-même, ont peut-être passée sous silence. Ils ne pouvaient pourtant pas l’ignorer, car la presse compagnonnique (le journal « Compagnonnage », de l’Association ouvrière des compagnons du Devoir) et la presse nationale de l’époque, s’en étaient fait l’écho, photos à l’appui : c’est la voûte de cannes qu’une délégation de compagnons du Devoir conduite par Jean BERNARD forma au-dessus du maréchal Pétain venu à Commentry (Allier), présenter la Charte du travail, instituant de nouveaux rapports entre les patrons et les ouvriers.

Cette photo constitue de ce fait l’une des plus anciennes attestations d’une voûte de cannes de compagnons. Aux lecteurs de ce blog d’essayer d’en découvrir d’autres qui soient antérieures, peut-être des photos de mariage de compagnons dans les années 1930.

Article rédigé par Laurent Bastard, merci :)

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1 Comment to “LA VOUTE DE CANNES DES COMPAGNONS (SUITE)”

  1. Laurent Bastard dit :

    La photo du Maréchal Pétain prise à Montluçon (et non à Commentry) le 1er mai 1941 ne constitue pas la plus ancienne attestation de ce rite pratiqué par les compagnons du tour de France. Une lettre circulaire de 1932 des compagnons passants charpentiers du Devoir de Paris aux diverses sociétés compagnonniques, fait observer qu’elle fut pratiquée (abusivement selon eux) le 9 novembre 1932 pour rendre les honneurs à Hippolyte Ducos, sous-secrétaire d’Etat à l’Enseignement technique, venu à une cérémonie de l’association des Meilleurs Ouvriers de France où furent récompensés deux compagnons.

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