Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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LA CANNE ET LE BATON VUS PAR « LA VIE PARISIENNE » (1865) (2)

Voici la suite de l’article de « La Vie parisienne » du 7 octobre 1865. Le rédacteur s’attache à présent au bâton :

« LE GRAND BATON OU BATON A DEUX MAINS.

Le plus joli de tous les exercices du corps, celui où la force, la grâce, l’élégance et la souplesse d’un homme se montrent le plus clairement, c’est à coup sûr le grand bâton. Son jeu est identique à celui de la canne, même voltige, mêmes parades, mêmes coups d’assaut, à cette différence près qu’ici on fait avec les deux bras ce que là on exécutait avec un seul.

Malheureusement on se livre moins volontiers à l’exercice du grand bâton, qui demande plus de force et semble d’une utilité moins pratique. On peut toujours avoir une canne à la main, tandis qu’on se promène rarement en compagnie d’un manche à balai. Le grand bâton est donc considéré comme un exercice de salle, quoique son aspect seul prouve qu’il y a en lui une des armes les plus redoutables. Un grand bâton de cornouiller, solide au bout de deux bons bras, n’est pas rassurant. Le coupé qui se donne comme un coup de hache est splendide. Tous les mouvements sont plus développés, plus grands, plus puissants que dans la canne. On sent que le bâton est plus mâle.
Lorsqu’il fend l’air, ce n’est plus le sifflement aigu de la canne qu’il produit, mais une espèce de mugissement qui n’a pas l’air de plaisanter. Les coups sont naturellement moins rapides qu’à la canne, mais ils gagnent en force ce qu’ils perdent en vitesse.

Deux tireurs qui font assaut au grand bâton, parant et ripostant avec promptitude, sont véritablement beaux ; c’est l’image la plus frappante de la lutte, du combat redoutable ; c’est l’arme la plus naturelle et où les qualités physiques se développent le plus naturellement.

Les coups de bâton étant les mêmes que ceux de la canne, les figures de la voltige sont les mêmes aussi, et le grand carré n’est pas modifié ; il n’y a de modifié que la respiration du tireur. En effet, tous les muscles de la poitrine agissent alors avec une grande violence et on est bientôt haletant.
Le coup de bout, qui avec une canne est déjà assez violent, devient formidable lorsqu’il est donné à l’aide des deux mains et lancé comme un coup de baïonnette. On sort d’un assaut de grand bâton comme on sort d’un bain de vapeur, ruisselant mais souple, alerte et la poitrine parfaitement dégagée. J’aurais à redire ici à peu près ce que j’ai dit pour la canne, et ce serait, cher lecteur, abuser de votre temps.

Le moulinet du grand bâton n’a, comme celui de la canne, rien de sérieux, ce n’est qu’un moyen d’assouplir les bras ; une faible résistance l’arrêterait tout net, ce n’est point une série de coups ; on ne cherche point à communiquer au bâton une grande force, mais simplement à le faire tournoyer avec vitesse. Ce n’est qu’une coquetterie de tireur qu’on peut comparer à ces gammes rapides que vous lâchent les pianistes avant de commencer un morceau.

Je ne veux pas en finir avec le maniement des morceaux de bois longs ou courts sans rectifier une petite erreur qu’on a souvent exprimée devant moi ; elle a pour objet le célèbre bâtoniste qu’on voyait, il y a deux ou trois mois encore, empiler des gros sous au bout d’une canne, et enfiler des anneaux à l’aide d’un cône en fer-blanc. Cet homme était d’une adresse prodigieuse, et j’ai souvent entendu dire : Voilà un homme qui doit être bien redoutable et ne craindre personne lorsqu’il a une canne dans les mains. Il est possible qu’il fût très habile tireur, mais, dans tous les cas, les exercices qu’il exécutait sur les places ne le prouvaient pas le moins du monde. Tirer la canne ne veut pas dire jongler avec une canne. Lecour et Leboucher, qui tirent pas mal, comme vous savez, ramasseraient peut-être leur canne assez gauchement si elle tombait par terre et seraient sans doute peu sûrs de la rattraper avec une seule main si on la jetait une trentaine de pieds en l’air. Tout cela constitue un autre genre d’adresse qui peut faire la répétition d’un faiseur de tours, mais n’a rien de commun avec l’art du tireur. »

L’auteur fait allusion ici au célèbre bâtonniste Pradier, mort en 1864 (voir l’article : Pradier le bâtonniste en date du 5 août 2011).

Le prochain article sera la suite et la fin de celui de « La Vie parisienne », où l’auteur évoque la douleur des coups, leur dissimulation par fierté et la psychologie des bâtonnistes (bâtonniste : avec un ou deux N ?)…

Article proposé par Laurent Bastard. Merci :)

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1 Comment to “LA CANNE ET LE BATON VUS PAR « LA VIE PARISIENNE » (1865) (2)”

  1. [...] On sait que le mot « bâtoniste » (aujourd’hui écrit « bâtonniste ») désigne deux hommes dont l’activité n’a en commun que l’emploi d’un bâton : jusque vers le milieu du XIXe siècle, le bâtoniste était soit un spécialiste du maniement du bâton en tant que jeu ou art martial, soit une sorte d’amuseur public, très habile à manier son bâton lors de tours d’équilibre ou d’adresse (voir l’article La canne et le bâton vus par la Vie parisienne (1865) – 2) [...]

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