Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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UN COMBAT AU BATON DANS « IVANHOE » (1819)

Sir Walter SCOTT (1771-1832) fut un poète et écrivain écossais qui connut une durable célébrité par ses romans à la gloire des vaillants combattants de sa patrie. Le plus célèbre est sans doute « Ivanhoé », roman médiéval publié en 1819.
Au chapitre X, se déroule l’épisode de la capture de l’écuyer saxon Gurth, qui s’est aventuré dans des bois gardés par des brigands. Il doit s’acquitter d’un droit de passage. Quand ils veulent s’emparer de sa bourse, il saisit le bâton noueux d’un voleur et en assène un coup sur le chef de la bande. Ce dernier reconnaît son courage et s’apprête à le relacher quand un autre brigand nommé Miller (ce qui signifie « meunier » en anglais) intervient :
« Et cet insolant paysan, je présume qu’il s’en ira aussi sans être égratigné ?
- Cela dépendra de toi, répliqua le chef.
- Voyons, drôle, dit-il à Gurth, approche-toi. Sais-tu manier le bâton ?
- Je crois, répondit Gurth, que vous en avez eu une bonne preuve.
- J’en conviens, le coup était bien appliqué. Eh bien ! donnes-en autant à ce brave garçon, et tu passeras franc d’impôt ; quoique, sur mon honneur, tu sois si fidèle à ton maître, que je crois que dans tous les cas ce sera moi qui paierai ta rançon. Allons, Miller, prends ton bâton, et défends ta tête. Et vous, lâchez ce garçon et donnez-lui un bâton. Il fait assez clair pour un pareil combat.
Les deux champions, armés chacun d’un bâton de même taille et de même grosseur, s’avancèrent au milieu de la clairière pour être plus libres de leurs mouvements et avoir l’avantage du clair de lune.
Les brigands les entouraient en riant, et criaient à leur camarade : – Attention, Meunier, attention ; prends garde de payer toi-même le droit de passe.
Meunier, tenant son bâton par le milieu, le faisait voltiger sur sa tête en faisant ce que les Français appellent le « moulinet » ; et, voulant railler Gurth : – Avance, paysan, lui dit-il, avance donc, tu sentiras ce que pèse mon poing.
- Si tu es meunier de profession, répondit Gurth, tu es donc doublement voleur ; mais tu vas voir que je ne te crains pas. Et en même temps, il se mit à jouer du bâton à deux bouts avec autant de dextérité que son antagoniste.
Les deux champions s’attaquèrent alors, et firent voir pendant quelques minutes une parfaite égalité de courage, de force et d’adresse, portant et parant les coups avec autant de promptitude que de dextérité. Le bruit que faisaient leurs bâtons, frappant à coups redoublés l’un sur l’autre, était tel, qu’à quelque distance on aurait cru qu’il y avait au moins six combattants de chaque côté.
Des combats moins disputés et moins dangereux ont été chantés en bons vers héroïques ; mais celui de Gurth et de Meunier n’aura pas le même honneur, faute de poète inspiré. Cependant, quoique le combat au bâton à deux bouts ne soit plus à la mode, nous ferons ce que nous pourrons pour rendre justice en humble prose à ces deux vaillants champions.
Ils combattirent assez longtemps, sans qu’aucun eût l’avantage, et Meunier commença à s’irriter de trouver un antagoniste si habile, et d’entendre ses compagnons rire de l’inutilité de ses efforts, comme c’est l’usage en pareil cas. Ce mouvement d’impatience n’était pas favorable à ce genre de combat, qui exige beaucoup de sang-froid et de présence d’esprit, et il donna à Gurth, qui était d’un caractère ferme et déterminé, des moyens de victoire dont il sut habilement profiter.
Meunier attaquait avec son impétuosité furieuse ; les deux bouts de son bâton frappaient alternativement sans discontinuer ; et il serrait de près son ennemi. Gurth, faisant le moulinet avec rapidité, se couvrait la tête et le corps, parait tous les coups, et se tenait sur la défensive, faisant même quelquefois un pas en arrière.
Cependant ses yeux étaient toujours fixés sur son antagoniste ; le voyant épuisé de fatigue, il dirigea un coup de la main gauche vers sa tête, et tandis que Meunier songeait à le parer, saisissant son bâton de l’autre main avec la rapidité de l’éclair, il lui en porta du côté droit un coup si furieux, qu’il l’étendit par terre.
- Victoire ! Victoire ! crièrent les brigands. Bien combattu ! Vive la vieille Angleterre ! Le Saxon a sauvé sa bourse et sa peau ! Meunier a trouvé son maître !
- Tu peux partir, mon brave, dit le capitaine, joignant son suffrage aux acclamations des autres, et je te ferai conduire par deux de mes camarades jusqu’en vue de la tente de ton maître, de peur que tu ne rencontres quelques autres promeneurs nocturnes… »
Voilà un beau morceau d’anthologie qui méritait bien de figurer ici.

Article rédigé par Laurent Bastard. Merci :)

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2 Comments to “UN COMBAT AU BATON DANS « IVANHOE » (1819)”

  1. [...] bâton qui ressemblait à une canne. Dans Ivanhoe (1819), le romancier Walter Scott décrit un fameux combat de bâton entre l’écuyer Gurth et le brigand Miller. « Des scènes comme celle-ci, la littérature en est truffée, assure Frédéric Morin, [...]

  2. [...] bâton qui ressemblait à une canne. Dans Ivanhoe (1819), le romancier Walter Scott décrit un fameux combat de bâton entre l’écuyer Gurth et le brigand Miller. « Des scènes comme celle-ci, la littérature en est truffée, assure Frédéric Morin, [...]

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