Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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UN BATON A-T-IL TUE BARRY, LE BON SAINT-BERNARD ?

Barry fut le héros des chiens sauveteurs des Alpes. Il naquit au début du XIXe siècle dans l’élevage de l’hospice du Grand Saint-Bernard, en Suisse. Il sauva plus de 40 personnes ensevelies dans les avalanches ou égarées dans les tempêtes de neige, dont un petit enfant qu’il ramena sur son dos. Son nom signifie « petit ours ».

Quel rapport avec le bâton, objet de ce site ? Il y en a un et vous allez le découvrir à la lecture de ce texte extrait du « Magasin pittoresque » de mai 1846, p. 200.

« Quel homme n’eût envié la célébrité de Barry ? Un grand nombre de voyageurs égarés, glacés par le froid, surpris par les neiges sur le grand Saint-Bernard, lui avaient dû la vie. Intelligent, énergique, il cherchait, il guidait ceux qui pouvaient encore marcher ; il traînait, il transportait à ses propres périls ceux qui avaient perdu la force et l’espérance. (…) Barry était certainement un des héros de sa race. Un soir, par un temps orageux, au milieu des brouillards, un voyageur voit s’élancer à sa rencontre un animal de haute taille, la gueule béante : il se croit en danger, et frappe vigoureusement de son bâton ferré la pauvre bête qui tombe à ses pieds en gémissant : c’était Barry qu’il avait blessé à la tête. Quelques instants après, les religieux lui firent connaître et déplorer son erreur. On alla chercher le malheureux chien, étendu sur la neige qu’il rougissait de son sang. On lui prodigua des soins avec peu d’espoir (…) ; il fut porté à l’hospice de Berne. Mais le fer avait atteint le cerveau ; malgré les efforts de la science, Barry ne tarda pas à mourir. On lui rendit le seul honneur possible : son corps fut conservé, et une place lui est consacrée dans le musée de Berne. »

Au XIXe siècle, les hommes qui voyageaient en montagne utilisaient en effet un long bâton muni d’une pointe de fer. Voir les articles du 16-10-2010 : Le bâton de ski et du 27-11-2011 : Un bâton ferré pour descendre sur la glace.

Plus d’un siècle après cet article, la revue « Naturalia » n° 76 de janvier 1960 consacrait cinq pages signées Dominique Perraz à « Barry, le chien saint-bernard aux 40 sauvetages ». L’auteur donnait une version différente de sa mort tragique : un grenadier de l’Empire, en 1814, cherchait à franchir la montagne par la route de l’Hospice. Pris sous une avalanche, il fut enseveli sous plusieurs pieds de neige. Barry découvrit le soldat à demi-mort et pour le ramener à la vie, il se coucha sur lui pour le réchauffer. « Sentant peser sur lui cette grosse bête à poil rude, il se figura être attaqué par un loup. Notre militaire, tirant alors son sabre, en transperça la pauvre bête. Bientôt, il s’aperçut de son erreur. Et tous deux – le soldat, encore bien affaibli, le chien, perdant son sang – se traînèrent jusqu’au monastère. Le grenadier eut, paraît-il, la vie sauve. Barry, grièvement blessé, fut amené en civière jusqu’à Berne, où on le soigna du mieux que l’on put. Mais le sabre du soldat avait transpercé des organes vitaux. Et Barry rendit alors sa belle âme de chien (…) ».

Ajoutons que la célébrité de Barry était si grande qu’en 1900 une stèle le représentant sauvant un enfant fut érigée à sa mémoire au cimetière des animaux à Asnières, où elle est toujours visible.

Eh bien ! la mort de Barry, telle qu’elle est relatée ci-dessus, est, paraît-il, une légende. Le bâton ferré des alpinistes d’antan n’y est pour rien. Et le sabre du grenadier non plus. En consultant divers sites, dont celui qui est dénommé moustache-empire, il est indiqué : « En revanche, il n’a pas été, comme le dit la légende, abattu par le piolet d’un voyageur en détresse, qui l’aurait, soi-disant, pris pour un ours. En réalité, lorsque le valeureux saint-bernard fut âgé et, à bout de forces, le prieur de l’hospice en 1812 l’envoya à Berne où il termina tranquillement sa vie. Son corps fut naturalisé et exposé à partir de 1815 au musée historique, aujourd’hui muséum d’histoire naturelle de Berne. »

Qui nous dira pourquoi sa fin tragique fut inventée et propagée si longtemps ? A chien héroïque fallait-il une fin dramatique, de même qu’un soldat qui meurt au champ d’honneur emporte plus d’estime que celui qui meurt dans son lit ?

Divers sites nous permettent de voir les photos de Barry naturalisé. Il relève la tête et n’est donc pas dans la position du chien en vitrine illustrant l’article du Magasin pittoresque. Même en images, Barry sème le doute !

Article rédigé par Laurent Bastard, merci :)

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