Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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TIAWEL KELI, LE BATON MERVEILLEUX
Categories: Contes et légendes

René GUILLOT (1900-1969), auteur de livres pour la jeunesse, a publié en 1945, aux Editions Arthaud, un recueil de contes africains sous le titre « Contes de la brousse fauve ». L’un de ceux-ci est intitulé « Le bâton merveilleux ».
L’histoire se déroule au pays des Peulh, il y a bien longtemps… au temps où bêtes et plantes parlaient aux hommes. Le vieux Dikel, sentant la mort venir, convoque ses enfants, son garçon Samba et sa fille Pinda, son fidèle cheval Diabalingou et, près du grand palmier, leur donne d’ultimes recommandations. A sa fille, il demande d’écouter les conseils de son frère et de l’attendre, lorsqu’il paît ses boeufs, en haut du grand palmier. A son fils, il recommande la prudence et l’écoute des collines, qui l’avertiront en cas de danger, et lui demande de ne jamais oublier son troupeau.
Et il lui donne son bâton : » – Voici Tiawel Kéli… Je te le donne. C’est un bâton qui connaît des ruses et qui m’épargna bien des peines. Il est de la famille, comme le palmier, et aussi fidèle que lui. Ne t’en sépare jamais. » Puis le père mourut, donnant à ses enfants sa dernière parole : « La paix seulement ».
Le conte se poursuit avec le roi Manna, tyrannique et puissant, qui s’ennuie. Il envoie ses hommes chercher la distraction inconnue pour lui faire retrouver le sourire, mais en vain. Ni le tapis volant, ni le perroquet d’argile dont les morceaux brisés chantaient, ne purent le distraire. Le roi se contenta de punir ses émissaires. Enfin, le jeune page Tiéli partit à son tour et demeura un an sans donner de ses nouvelles. Il aperçut Pinda en haut du palmier, qui chantait. Captivé, il se cacha dans un buisson et entendit la jeune fille entonner un chant particulier qui demandait au palmier de rentrer en terre pour qu’elle puisse descendre et retrouver son frère, qui rentrait avec son troupeau.
Le page revint le lendemain, avec les cavaliers du roi, chanta la chanson magique et Pinda fut capturée lorsque le palmier descendit sous terre.
Les collines et les nuages firent signe à Samba qu’il s’était produit un grand malheur. Il accourut mais ne put que constater l’enlèvement de sa soeur. C’est là qu’intervient le bâton merveilleux :
« Il n’y a que Samba qui ne dort pas, au pied du palmier qui se lamente, près de Diabalingou, le cheval fidèle, qui répète : « Partons… Partons à la recherche de Pinda.
- Pars, dit aussi le palmier. J’irai où tu iras, aussi vite que je le puis. Je courrai dès que j’aurai trouvé une terre plus molle. Ici, le soleil a tout transformé en cailloux, et tu vois, pourtant, à grands efforts j’arrache mes racines. Je suis prêt… Pars à la recherche de Pinda !
- Hâte-toi ! fait le cheval. La nuit passe.
- Tu ne nous entends donc pas ? fait le palmier.
- A quoi penses-tu, Samba ?
- Je pense au troupeau.
- J’oubliais le troupeau, dit Diabalingou.
- Le palmier aussi oubliait le troupeau, dit Samba, et mon père a eu comme dernière parole : « Le Peulh aime les boeufs plus que tout. »
- Emmenons le troupeau.
- Il ne suivra pas », dit Samba.
Alors, Tiawel Kéli, le bâton du père, dit :
« Je suivrai avec le troupeau.
- Tu l’accompagneras, Tiawel Kéli ? …
- Je ferai mieux. Suivez-moi tous chez les boeufs ! »
Les boeufs se levèrent, faisant craquer leurs grandes cuisses d’os, en entendant le bâton s’approcher. Puis des mugissements commencèrent à monter de ce troupeau qui rêvait et qu’on dérangeait en plein sommeil.
« Ordonne ! » dit Tiawel Kéli.
Il répéta :
« Ordonne, Samba, tu es notre maître. »
Alors on entendit la voix de Samba qui commandait :
« Boeufs de mon père, avalez-vous mutuellement, jusqu’au dernier. Avalez-vous… »
Et quand ce fut fait :
« Diabalingou, avale le dernier boeuf qui avala les autres. Tiawel Kéli, avale Diabalingou… O Dieu, faites que je puisse avaler Tiawel Kéli ! … »
Et aussitôt fait !
Samba devint aussitôt énorme, ventru par devant, ventru par derrière, un monstre énorme qui partit dans la Brousse suivi du palmier qui se déchaussait à grand bruit, et faisait voler la terre de tous côtés, en secouant ses racines. »
Pendant ce temps-là, le roi Manna est redevenu gai car il va épouser Pinda, la soeur de Samba. Une grande fête se prépare et tous, y compris un monstre énorme et un palmier extraordinaire seront du cortège…Le monstre avait chanté la veille :
« Tiawel Kéli, es-tu à l’aise
Avec ton ventre plein de boeufs ?
Tu rendrais tes boeufs un à un
Si je te laissais un peu faire.
Mon beau cheval a avalé
Tiawel Kéli et tous mes boeufs.
Je rendrai à la plus belle
Mon troupeau et mon cheval,
Tiawel Kéli et mes boeufs…
Seulement à la plus belle ! »
Et Pinda avait reconnu son frère en ce monstre. Le roi Manna arriva et dit « Voyons ce cadeau ».
« Alors on entendit la voix du monstre : « Diabalingou, rends Tiawel Kéli !… »
Le cheval rendit le bâton.
« Tiawel Kéli, rends les boeufs !… »
Aussitôt, on vit le bâton se contorsionner et, un à un, les boeufs sortir de son écorce. Un troupeau interminable, dont Samba fit cadeau au roi Manna qui, ce jour, épousait sa soeur.
« Je serai ton premier berger », dit-il au roi.
Et il s’élança sur le dos de son fidèle ami Diabalingou, le cheval que son père avait dérobé au diable.
Tout heureux était Samba. »
Quant au palmier, il s’enracina dans le sable fin, en attendant que les enfants de Pinda viennent jouer à l’ombre.

Article proposé par Laurent Bastard. Merci :)

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