Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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SOCIOLOGIE DE LA CANNE, PAR CHARLES PHILIPON (1840)

C’est en explorant les richesses documentaires de Google livres, que nous avons découvert ce texte de Charles PHILIPON (1800-1862). Il fut un illustre journaliste et dessinateur et il publia, entre autres, le journal « Le Charivari » jusqu’en 1838.
L’article est intitulé « Le dedans jugé par le dehors ». Il a été publié dans le Charivari (à une date inconnue) et il a été repris par un autre journal intitulé « Affiches, annonces judiciaires, avis divers du Mans et du département de la Sarthe », daté du 30 octobre 1840. C’est de là que nous l’avons isolé.
Philipon passe en revue tous les éléments vestimentaires et la tenue en général de ses contemporains, pour en tirer des conclusions sur ce qu’ils révèlent quant à leur éducation, leur origine sociale, leur psychologie. Il en est ainsi du chapeau, des cheveux, de la barbe, de la cravate, des gants, etc. Et bien sûr de la canne…

« LA CANNE. Le rotin est provincial ; le jonc est perruque ; la canne noueuse est faubourienne ; la grosse canne est commune ; la grande est « compagnon du devoir » ; la trop petite est bête ; la canne à pêche, à flageolet, à parapluie, est stupide.

Une pomme ornée de pierreries est maniérée ; une tête de coquille est disgracieuse ; une longue pomme est rococo ; une pomme sculptée en manière de tête est de mauvais goût ; une pomme à tabatière, à musique, à sifflet, à lorgnette, est « commis-voyageur ».

Le gamin qui fait l’homme traîne sa canne sur le pavé ; le paysan qui singe le monsieur fait faire à son bâton autant d’enjambées qu’il en fait lui-même ; le flâneur frotte le pommeau de sa canne à sa bouche, à sa joue, à son menton ; l’homme joyeux tient sa canne par le milieu et tape du pommeau le creux de son autre main ; l’homme triste et réfléchi la porte collée perpendiculairement à sa jambe ; le distrait en frappe tout ce qu’il rencontre, sans excepter les jambes des passants ; l’étudiant la fait tourner en moulinet au nez de tout le monde ; le rentier la porte sous son bras ; le musard la tient des deux mains sur son dos, et le mouchard la pend à un bouton de son habit. »

Ce texte appelle quelques questions et remarques. Que signifie l’expression « le jonc est perruque » ? Peut-être « démodé » ? Qu’est-ce qu’une « tête de coquille » ? Le fait qu’une longue pomme soit « rococo » fait allusion au style du XVIIIe siècle, qui connut un regain de faveur au temps de Philipon, et qui était caractérisé par une surcharge ornementale. Il faut sans doute entendre ici qu’une telle pomme de canne est démodée. La « canne à flageolet » était une canne où l’on pouvait glisser une petite flûte nommée ainsi (voir l’article cannes musicales). Une grande canne est en effet du genre « compagnon du devoir » parce que les compagnons en portaient qui mesuraient souvent 1, 30 à 1, 40 m de longueur, pour s’en servir comme d’une arme. Quant aux pommes à tabatière et autres fantaisies, elles attestent que les fabricants ne manquaient pas d’imagination pour séduire leurs clients.

L’illustration est extraite du Musée des familles de décembre 1845 et non de l’article de Philipon, mais ce dessin de Cham nous a paru bien adapté au sujet de cet article…

Article rédigé par Laurent Bastard. Merci :)

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2 Comments to “SOCIOLOGIE DE LA CANNE, PAR CHARLES PHILIPON (1840)”

  1. [...] et caricaturiste Charles Philipon (1800-1862), père du célèbre Charivari, en a même dressé une sociologie. Par voie de conséquence, il était inévitable qu’elle laisse son empreinte sous la plume des [...]

  2. Laurent BASTARD dit :

    « Le jonc est perruque » ? En son temps Frédéric m’avait écrit que cela signifiait bien « démodé ». Voici sa source :

    « Je crois avoir trouvé la confirmation de ta proposition de réponse à la question concernant l’expression « le jonc est perruque ». Je pense qu’il s’agit de l’expression « être perruque » … J’ai trouvé cela dans le Littré : « Adj. Vieux, suranné. Cela est décidément perruque. « Il le trouvait [un journal] tiède, timide, arriéré, perruque ; ce dernier
    substantif métamorphosé en adjectif exprimait le plus haut degré de son mépris » (CH. DE BERNARD, « Un Homme sérieux », chap. V.) »

    Ce dernier livre a été publié en 1843, donc à peu près à la même époque que le texte de Philipon.

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