Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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« MA SEULE AMIE », PAR SAINTONGE LA LIBERTE (VERS 1866)

Notre arrière-grand-père, Jules Napoléon BASTARD dit « Saintonge la Liberté » (1842-1902), était un compagnon tanneur-corroyeur du Devoir. Il composa de nombreuses chansons, dont l’une est dédiée à la canne de compagnon de son père, sa « seule amie ».

Il imagina les paroles que ce dernier aurait pu prononcer à son adresse, alors qu’il était pauvre, isolé et malade, avant de mourir en 1866…

« MA SEULE AMIE

Sois moi fidèle ! O pauvre amie que j’aime,
Ensemble nous devenons vieux ;
Depuis trente ans je t’entretiens moi-même
Et Socrate n’eut pas fait mieux,
Mais le malheur aujourd’hui nous provoque
En nous livrant sans cesse des combats.
Imite-moi, vivons en philosophes ;
Ma vieille amie, ne nous séparons pas.

Je me souviens, car j’ai bonne mémoire,
Du premier jour où je te pris ;
Oui, c’était fête, et, pour comble de gloire,
Tu fus chantée par mes amis.
Mais, délaissé, encore tu m’honores ;
Tu m’as promis de suivre mes pas
En attendant que l’on nous fête encore ;
Ma vieille amie, ne nous séparons pas.

Quand, revêtue de ta belle parure,
Je te portais, ô ! pour moi quel bonheur !
A mon seul nom, aujourd’hui l’on murmure,
Ma pauvre amie, hélas, c’est un malheur.
Mais je connais ta grandeur, ta constance,
Nous triompherons de ces affreux combats.
Sois moi fidèle et malgré ma souffrance,
Ma vieille amie, ne nous séparons pas.

Ne craignons plus ces jours de courses vaines
Où notre destin fut pareil ;
Ces jours mêlés de plaisirs et de peines,
Mêlés de pluie et de soleil.
On va bientôt, il me le semble,
T’ôter à jamais de mes bras.
Attends un peu, nous finirons ensemble,
Ma vieille amie, ne nous séparons pas.

Mais quoi ! la mort veut fermer mes paupières,
Autour de moi, hélas ! pas un ami.
On oublie donc un compagnon, un frère,
Qui du Devoir en tous temps fut l’appui.
L’heure est sonnée, adieu canne chérie,
Je te promets, mon fils s’en souviendra,
Et comme moi, dans le cours de sa vie,
La Liberté jamais ne te laissera. »

Cette canne acquise par « Tourangeau l’Exemple de la Sagesse » lorsqu’il fut reçu compagnon à Nantes en 1837, nous l’avons toujours conservée dans la famille…

La photographie est celle de l’auteur de la chanson. Sa propre canne de compagnon est ornée des « couleurs » (rubans), rehaussées à la gouache rouge et bleue, couleurs emblématiques des compagnons tanneurs-corroyeurs du Devoir.

Article rédigé et hommage rendu par Laurent Bastard.

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