Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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LE BRACONNAGE DU LIÈVRE AU BÂTON, EN ALSACE
Categories: Bâton comme outil


A défaut d’arme à feu ou d’un autre instrument lançant des flèches ou des projectiles, voire d’arme à pointe, la chasse des animaux avec un bâton a sans doute été la plus répandue depuis des temps immémoriaux. De nombreux articles ont été consacrés à ce mode de chasse sur ce site et en voici un nouveau, qui, cette fois, concerne l’Alsace de la fin du XIXe siècle, où le lièvre semble avoir été un gibier bien plus répandu qu’aujourd’hui.

Le texte qui suit est extrait de Charles GRAD : « L’Alsace, le pays et ses habitants » (Hachette, 1889), et figure au chapitre XXXVI : Traque au lièvre, p. 256-257 (texte consultable via Google livres).

« Ici comme partout, les lacets et les bâtons des braconniers font une rude concurrence aux chasseurs pourvus d’un permis légitime. Le braconnage au bâton s’exerce quand le lièvre « tient » ; le braconnage au lacet, pendant l’année entière. On dit que le lièvre tient, quand il ne fuit pas à votre approche. Généralement le lièvre tient à l’époque de l’ouverture de la chasse, à cause de la quiétude dans laquelle il a vécu plusieurs mois durant. Pendant les grandes chaleurs, dans la neige ou quand la pluie détrempe les champs, il tient aussi parce qu’il a conscience des difficultés de la fuite dans ces conditions. Alors on peut tourner vingt fois autour de lui, approcher à deux pas du gîte où l’animal se blottit, sans bouger ni sourciller, vous dévisageant seulement de son bel œil noir et rond. Le braconnier qui a reconnu un lièvre dans son gîte marche droit sur lui jusqu’à vingt pas de distance. Puis, obliquant à droite ou à gauche, il tourne autour en rétrécissant le cercle qu’il décrit. Parvenu à deux pas, le braconnier frappe sa victime d’un coup de bâton sur la nuque. Si l’animal ne reste pas mort sur place, le bâton lancé avec adresse lui casse les pattes de derrière. D’autres fois les braconniers se mettent à deux pour chasser en commun. Dans ce cas l’un des associés s’avance hardiment vers le lièvre au gîte, qu’il dépasse pour attirer l’attention anxieuse de la pauvre bête, tandis que le complice l’assomme en s’approchant sans être aperçu.

Le braconnier au bâton, détesté cordialement des chasseurs à permis, non moins que les praticiens au lacet, choisit de préférence pour ses exploits une plaine unie, sans accident de terrain, sans bouquets d’arbres susceptibles de servir de cachette à un garde. D’ordinaire, il porte sur l’épaule gauche une houe ou quelque autre outil aratoire, non pas le bâton suspect. Celui-ci est caché soigneusement sous les feuilles de choux ou dans la végétation des champs. Une ficelle attachée au bâton permet de le tirer dans les herbes et les sillons sans être aperçu et de le ramener dans la main au moment de porter le coup mortel au lièvre découvert au gîte. A distance, l’œil le plus exercé ne distingue rien de particulier dans l’allure de cet homme, que vous prenez pour un inoffensif cultivateur. Une rencontre compromettante est-elle inévitable, le chasseur clandestin desserre les doigts, lâche la corde, et le bâton reste caché dans la verdure. Dans cette profession, comme dans beaucoup d’autres, il importe surtout de ne pas laisser voir la ficelle. Quant au lièvre tué, le braconnier ne le ramasse pas sur-le-champ, mais seulement à la tombée de la nuit, avec les précautions voulues, bien caché dans un sac. Pas de moyen moins compromettant ni plus productif que ce mode perfectionné de chasser au bâton, sans dépense pour le permis ni frais de location.

Article rédigé par Laurent Bastard, merci :)

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