Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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LE BATON MAGIQUE DU BON PETIT HENRI (1857)
Categories: Contes et légendes

Dans les contes interviennent souvent des êtres fantastiques qui récompensent le héros en lui remettant un bâton magique afin de lui permettre de vaincre les obstacles qui vont suivre. On en a des exemples jusque dans les contes « modernes », écrits pour les enfants au XIXe siècle, mais qui s’inspirent de scénarios bien plus anciens, tels que les frères Grimm en ont rapporté dans leurs enquêtes.

Ainsi, dans « La Semaine des enfants » de 1857 (numéros 9 à 12), trouve-t-on un conte en plusieurs épisodes intitulé « Le Bon petit Henri ». Ecrit par la comtesse de Ségur (1799-1874), le héros part à la recherche d’une plante destinée à sauver sa maman malade (la « plante de vie qui croît sur la montagne »). Durant son voyage, il accomplit des gestes de générosité, qui sont récompensés par les êtres qu’il a secourus (un corbeau, un coq, un petit vieillard, un géant, un loup, une grenouille, un chat, etc.). Ceux-ci, éprouvant ses qualités, lui remettent toujours un accessoire qui lui permet de poursuivre son chemin sans risque.

Le loup, notamment, lui impose de chasser du gibier et de le faire cuire, ce dont Henri s’acquitte grâce au corbon. C’est alors que…

« Le Loup examina le gibier, croqua un chevreuil rôti et un pâté, se lécha les lèvres, et dit à Henri : « Tu es un bon et brave garçon ; je vais te payer de ta peine ; il ne sera pas dit que tu aies travaillé pour le Loup de la montagne sans qu’il t’ait payé ton travail. »
En disant ces mots il donna à Henri un bâton qu’il alla chercher dans la forêt et lui dit :
« Quand tu auras cueilli la plante de vie et que tu voudras te transporter quelque part, monte à cheval sur ce bâton. »
Henri fut sur le point de rejeter dans la forêt ce bâton inutile, mais il pensa que ce ne serait pas poli, et il le prit en remerciant le Loup. »

Henri a bien fait de ne pas jeter le bâton, car un peu plus tard, après qu’il eût rencontré le petit Docteur et reçu de lui la plante qui guérit, il s’interroge :

« Comment ferai-je maintenant pour arriver vite à la maison ? Si je rencontre en descendant les mêmes obstacles qu’en montant, je risque de perdre ma plante, ma chère plante qui doit rendre la vie à ma pauvre maman. »
Il se ressouvint heureusement du bâton que lui avait donné le Loup.
« Voyons, dit-il, s’il a vraiment le pouvoir de me transporter dans ma maison. »
En disant ces mots, il se mit à cheval sur le bâton en souhaitant d’être chez lui. Au même moment il se sentit enlever dans les airs, qu’il fendit avec la rapidité de l’éclair, et il se trouva près du lit de sa maman. »

Bien entendu, la plante guérit la mère du petit Henri et les autres objets magiques qui lui ont été remis leur assurent la prospérité : le chardon du Géant leur procure l’aisance matérielle tandis que la griffe du Chat leur conserve la santé et la jeunesse. Et la comtesse de Ségur précise : « Ils vécurent ainsi très heureux (…) et sans jamais se servir du bâton, car ils étaient heureux dans leur maison et ils ne désiraient pas se transporter ailleurs. »

L’usage du bâton pour aller d’un lieu à un autre rappelle celui du balai des sorcières. Nous avons déjà rencontré un bâton volant dans l’article Le sorcier breton vole sur un bâton de genêt. Mais quand on y réfléchit, d’où proviennent ces contes et ces traditions superstitieuses ? Serait-ce une extension du bâton qui soutient le voyageur dans sa marche sur la route. Devenu magique, le bâton ne serait plus limité à assister le voyageur sur la terre, mais aussi dans les airs. De passif, tenu en main et mû par elle, il serait devenu moteur, supportant son maître comme un cheval, mais toujours subordonné à lui puisqu’il n’obéit qu’aux ordres qu’on lui donne et ne va qu’aux lieux qu’on lui indique. Allons plus loin : on sait que l’ancien mot qui désignait une jument, une « poultre » (poutre), a, par analogie, désigné la « poutre », qui supporte les autres éléments d’une charpente, tout comme la jument qui supporte son cavalier. Mais dans un cas, la poutre est fixe, dans l’autre elle se déplace. Le bâton, supportant le marcheur, serait devenu le bâton volant, sur lequel le marcheur s’assied pour se déplacer.

Appel est fait aux lecteurs spécialistes des rites et traditions, qui auraient des explications et des exemples à donner de ces bâtons de transport volants.

L’illustration est l’une des gravures du « Bon petit Henri » figurant dans le numéro 12 (21 mars 1857) de la Semaine des enfants. On y voit le héros recevant la plante de vie en haut de la montagne. Le petit Docteur est appuyé sur sa canne, tandis qu’Henri tient son bâton magique.

Article rédigé par Laurent Bastard. Merci :)

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2 Comments to “LE BATON MAGIQUE DU BON PETIT HENRI (1857)”

  1. Laurent BASTARD dit :

    A la fin de cet article, nous pressentions les liens existant entre le bâton que l’on enfourche pour voyager dans les airs, et le cheval que l’on monte.

    Voici qui vient mettre de l’eau à notre moulin : le Trésor informatisé de la langue française, à l’entrée « baston », signale le vieux proverbe « Autant vaut aller à pied que de chevaucher un baston maigre », qui équivaut à celui rapporté par le philologue anglais Randle COTGRAVE (15?? – 1634)dans « A Dictionarie of the French and English Tongues » (1611) : « Mieux vaut aller à pied que de chevaucher un mauvais cheval ».

  2. [...] L’ancêtre du vélocipède ? Richard LESCLIDE, qui signait Le Grand Jacques, a écrit un intéressant « Manuel du Vélocipède » publié par la Librairie du Petit Journal en 1869. Intéressant, parce que ses considérations sur les ancêtres du vélocipède, qui faisait alors son apparition dans le domaine des moyens de locomotion, montrent avec finesse que le bâton est vraiment l’instrument primordial, le point de départ des inventions futures et des symboles d’autorité religieuse. Il conforte le lien étroit qui s’est établi entre le cheval et le bâton, que nous avons déjà signalé dans l’article Le bâton magique du bon petit Henri (1857). [...]

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