Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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La Rencontre de Gustave Courbet

C’est en parcourant l’intéressante analyse de l’oeuvre de Gustave Courbet disponible sur le site du Musée Fabre (Montpellier), dans l’extrait intitulé « Gustave Courbet – Un artiste engagé » disponible à l’adresse suivante, que l’on retrouve l’utilisation du bâton dans la peinture. Ici le bâton s’oppose à la canne !

Nous avions déjà évoqué ce sujet, dans l’article du 4 mars 2010 (ici), mais il nous a semblé intéressant d’éclairer un peu plus cette oeuvre, avec l’étude réalisée par le Musée Fabre.

« 1854, huile sur toile, 129 x 150,5 cm, Musée Fabre. La rencontre de ces deux hommes : Bruyas, qui rêve de jouer un rôle important dans la réflexion et l’évolution de la peinture vers une plus grande modernité, et Courbet, qui souhaite s’affranchir de tout ce qu’il connait, et montrer la vérité en peinture, ne fut pas anodine puisqu’elle permit à Courbet d’exercer en toute liberté.

L’élévation d’un fait divers, à caractère privé, au rang de la peinture d’histoire, poursuit le travail de sape et de renversement des hiérarchies établies qu’a entrepris Courbet.

Emblème du musée Fabre, cette œuvre de Courbet, immortalise à la fois l’arrivée de Courbet à Montpellier en 1854, et l’amitié le liant à Bruyas depuis l’achat des Baigneuses en 1853. Malgré la mise en scène d’une rencontre où le collectionneur mécène, ayant invité l’artiste à Montpellier, vient à sa rencontre entre Saint-Jean de Védas et Mireval, supposant l’arrivée immédiate du peintre, (en fait, il arriva par le train, un jour plus tôt), il faut situer cette rencontre
« sur le terrain de l’art » et en lire l’interdépendance qui est illustrée.

Bruyas a besoin de Courbet pour mener à bien ses desseins, et Courbet conscient de ses qualités a besoin du soutien affectif et financier du mécène. Les sources iconographiques sont encore multiples (les frères Le Nain, la peinture hollandaise d’ A. Cuyp…), le schéma général de la composition étant inspiré d’une estampe populaire montrant Les Bourgeois de la ville parlant au juif errant, gravé par P. Leloup Du Mans en 1831.

Toutefois, Courbet transgresse une fois de plus les règles en se mettant en scène de façon particulière : face à Bruyas, âgé de 33 ans, à l’allure guindé et chétive, accompagné de son domestique et de son chien, il se montre robuste, à l’aise, sûr de lui, au même niveau que la personne dont il dépend toutefois, seul contre trois. Les contrastes crées par l’opposition des bruns du sac à dos, des cheveux et de la magnifique barbe assyrienne sur le ciel clair, assurent sa position
de force accentuée par le bâton du marcheur dynamique, regardant vers l’avenir, solidement ancré dans le sol, très différent de la canne de Bruyas, en léger déséquilibre, qui le soutient. Face au geste accueillant de Bruyas, mains gantées et chapeau se découpant sur le ciel clair, le visage légèrement incliné de Courbet semble le « toiser » presque avec arrogance. Si l’un avance (pas de Courbet, bâton solidement tenu, bras gauche tenant le chapeau de façon naturelle et s’opposant au chapeau de Bruyas, à l’arrêt, dans le geste de l’accueil), l’autre est stoppé (pieds figés, comme ceux du domestique, posture « en retrait » que le domestique semble compenser par sa « révérence »). Courbet se montre à son avantage, « apôtre » des temps nouveaux, investi d’une mission supérieure, celle de la défense du réalisme, et pour laquelle il a choisi une vie vagabonde et indépendante, affranchie même des gouvernements, pour être plus près du peuple.

Comme dans Le Fou de peur, fluidité de la matière et empâtements préservent la qualité de l’esquisse sur le motif et s’oppose à l’élaboration plus détaillée, solide et ferme dont Courbet a maintes fois montré la maîtrise. Cette œuvre, présentée à l’exposition universelle de 1855, qui fut l’objet de nombreuses critiques et caricaturistes, déplut à Bruyas, qui soustrait le tableau à la vue du public, jusqu’à sa donation à la ville en 1862. »

FM

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