Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
Bibliothèque de ressources historiques, culturelles, artistiques, litteraires, sportives…sur la canne et le bâton, en France et dans le monde…
LA CANNE, EMBLEME DU DEVOIR, PAR A. BONVOUS

Les deux attributs traditionnels d’un compagnon du tour de France sont la canne et les couleurs (rubans colorés). Nombreux ont été les compagnons à en faire le sujet de poésies et de chansons au XIXe et jusqu’au milieu du XXe siècle. Parmi eux, il faut citer les vers d’Auguste BONVOUS, L’Angevin la Fidélité, compagnon couvreur du Devoir, d’Angers et d’Angoulême (1869-1936).

Rédigés dans la période tendue qui suivit la fondation de l’Union Compagnonnique en 1889, ils expriment l’attachement des compagnons qui se disaient « restés fidèles au Devoir » et à leurs attributs traditionnels, face aux innovations de l’Union, encline à les supprimer. Bonvous oppose donc l’ « unionique », le compagnon de l’Union Compagnonnique, au « vrai » compagnon du Devoir, dont les racines sont associées à la Sainte-Beaume et à Saint-Maximin, en Provence. Il s’agit de lieux de pèlerinage où les compagnons du Devoir venaient acheter et faire bénir leurs « couleurs ».

Voici un extrait de son poème intitulé « Les Emblèmes du Devoir », où il exalte les couleurs et la canne, publié dans le journal « Le Ralliement des Compagnons du Devoir » du 7 septembre 1890 :

(…) « Selon vous, ces emblèmes semblent vous semblent trop vieux
Dans le siècle où nous sommes : c’est faire l’aveu

Qu’il est un vrai Devoir, et que nul unionique
De Ste-Beaume, Maximin, enlèveront l’authentique.
Avec quelle joie je te fais bon accueil !
Canne, mon désir, tu seras mon orgueil.

Ce jonc, jadis par un compagnon porté,
Fut pour mon bonheur à un honnête homme (1) confié,
Qui aimait les jeunes gens, aspirants du Devoir,
Encourageant au bien le matin et le soir,

Pratiquant lui-même, plein de bons désirs,
D’honnêtes Compagnons gardent son souvenir.
Mon frère La-Clef-des-Coeurs la fit restaurer
Ce qui me fit plaisir, j’étais enchanté,

Me faisant promettre d’être au Devoir fidèle,
Etant toujours heureux en suivant ses conseils,
L’Angevin la Fidélité, mon nom,
Aimera toujours le Compagnonnage. (…)

(1) Je fais éloge de M. Gaudin, décédé, entrepreneur à Angers, qui aimait beaucoup les Compagnons, encourageait les jeunes gens et leur payait des cannes. Il s’intéressait particulièrement aux vieux compagnons qui étaient à l’hôpital ; il leur achetait les cannes afin qu’elles ne tombassent pas en des mains inconnues.
Il n’était pas compagnon, mais il aimait le Devoir, et il l’a toujours défendu dans maintes circonstances. »

Au quatrième couplet ici reproduit, Auguste Bonvous cite « son frère La Clef des Coeurs » : il s’agit d’Alfred Bonvous (1851-1929), dit Angevin la Clef des Coeurs, qui fut un couvreur émérite, auteur de travaux remarquables.

La note insérée par Auguste Bonvous est intéressante pour deux raisons : d’une part, elle atteste que la canne étant un article coûteux, s’en faire offrir une, même si elle avait appartenu à un autre compagnon, était un geste apprécié. D’autre part, elle montre bien que les compagnons la considèrent comme un objet quasi-sacré, qui ne doit pas tomber dans des mains profanes après la mort de leur légitime possesseur. Cette attitude est toujours actuelle et les compagnons d’aujourd’hui essaient toujours de récupérer la canne (et les couleurs) d’un compagnon défunt auprès de sa famille si elle risque d’être abandonnée, et même n’hésitent pas à en racheter lorsqu’ils en trouvent chez les brocanteurs et antiquaires.

Article rédigé par Laurent Bastard. Merci :)

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