Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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UN BATON PORTE-DOCUMENTS, PAR G. AIMARD (1865)

Gustave AIMARD (1818-1883) fut un écrivain à succès durant la seconde moitié du XIXe siècle. Prolifique, il publia près de 80 titres, souvent en feuilletons avant qu’ils ne soient repris en volumes, comme il était courant à l’époque. La plupart de ses oeuvres sont des romans d’aventures qui se déroulent en Amérique du nord ou du sud, où G. Aimard vécut une partie de sa vie.

Dans « Les Gambucinos », d’abord publié en 1865 en feuilleton dans le « Musée des familles », l’écrivain évoque les complots révolutionnaires des années 1820 au Mexique, et la guerre d’indépendance contre l’Espagne, puissance colonisatrice.

Dans le numéro de mai 1865 du « Musée des familles », p. 229, figure la rencontre entre deux révolutionnaires, don Juan Cristoval et le colonel français Jean Nogaray, et un « coureur » indien, c’est-à-dire un messager. Et il est question d’un bâton qui en dit plus long qu’il ne semble, pourvu qu’on le casse…

« Il tenait un long bâton à la main. (…) il s’inclina devant le colonel et, lui offrant le bâton noueux qu’il tenait à la main : – Och ! dit-il, mon frère est bien le jeune guerrier que je cherche ; mon voyage est terminé. Que mon frère accepte ce bâton, qui désormais m’est inutile.
Don Juan prit le bâton sans attacher aucune importance à la conduite de l’Indien. (…)
- Avez-vous donc pour moi une mission du congrès ?
- Que mon frère l’Oeil de feu lise ses colliers, et il saura tout, fit l’Indien en souriant doucement.
- Qu’entend-il par ce mot « colliers » ? demanda le colonel, qui se tourna vers don Cristoval.
- C’est juste, reprit celui-ci en riant, vous n’êtes pas encore au courant des expressions indiennes ; chez eux le mot « colliers » signifie « lettres », parce qu’en effet ils se servent de certaines graines enfilées et de différentes couleurs en guise d’écriture.
- Fort bien, mais ces lettres, je les attends.
- Vous entendez ce que dit le colonel, chef ? fit don Cristoval en s’adressant à l’Indien.
- Le grand Castor a entendu, répondit celui-ci.
- Eh bien, que nous répondrez-vous, chef ?
- Les Gachupines sont nombreux sur le sentier de la guerre ; les tamarindos sont plus nombreux encore. Le grand Castor a plusieurs fois été arrêté et visité par eux ; mais le grand Castor est un chef sage, les tamarindos n’ont point découvert les colliers.
- Vous les avez donc ! s’écria vivement le colonel.
- Je les avais ; maintenant ils sont entre les mains de l’Oeil de feu.
- Moi ? mais vous ne m’avez rien remis, Indien, fit le colonel avec impatience ; vous voulez rire.
- Le grand Castor n’a point la langue fourchue : les paroles que souffle sa poitrine sont toujours vraies, répondit le Peau rouge avec une certaine emphase.
- Mais, au nom du Seigneur tout-puissant ! s’écria le jeune homme, je vous répète que vous ne m’avez rien remis ; don Cristoval vous l’attestera au besoin. (…)
Don Cristoval reprit au bout d’un instant :
- Les Indiens ne sont pas des hommes comme les autres, Seigneurie, ils ne font et ne disent jamais rien d’inutile ; leurs moindres paroles, leurs gestes les plus légers ont une signification. Que tenez-vous à la main ?
- Vous le voyez, il me semble, un bâton.
- Ce bâton ne vous a-t-il pas été remis par le chef ?
- En effet ; mais…
- Attendez, reprit vivement le partisan : l’Indien ne vous a-t-il pas dit que, son voyage étant terminé, ce bâton lui devenait inutile ?
- C’est vrai, il m’a dit cela.
- Eh bien, je me trompe fort, ou ce bâton contient ce que vous cherchez. Brisez-le, Seigneurie ; vous verrez alors si j’ai deviné juste.
- Le colonel ne se fit pas répéter l’invitatio ; il saisit le bâton par les deux extrémités, l’appuya sur son genou et le rompit en deux. Le bâton était creux dans toute sa longueur et contenait plusieurs papiers roulés avec soin, qui s’en échappèrent et roulèrent sur l’herbe.
- Eh bien ! s’écria joyeusement don Cristoval, avais-je tort, Seigneurie ? »

Article rédigé par Laurent Bastard. Merci :)

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