Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
Bibliothèque de ressources historiques, culturelles, artistiques, litteraires, sportives…sur la canne et le bâton, en France et dans le monde…
Mme BAKER INTERVIENT, LES BATONS S’ABAISSENT…

Le « Journal des voyages », dans ses n° 125 à 130, en avril-mai 1899, a consacré une étude aux « Explorations du bassin du Nil », qui se sont succédées tout au long du XIXe siècle à la recherche des sources du grand fleuve.
Dans le n° 127 du 7 mai 1899 est rapportée l’incident qui failli coûter la vie à Samuel Baker en décembre 1862. Ce géographe, accompagné de son épouse et de soldats (sans doute recrutés sur place), remonta le Nil au-delà de Khartoum, dans l’actuel Soudan. A Gondokoro, il eut à traiter avec une population composée de dangereux marchands d’esclaves. Il avait besoin d’en recruter pour poursuivre son voyage mais ses recrues se montrèrent exigeantes, rebelles et menaçantes. Il leur adresse une allocution en leur rappelant leurs engagements et c’est alors qu’éclate un incident et où se lèvent les bâtons…

« Cela n’eut d’autre résultat que d’augmenter l’insolence du chef des mutins. Ce vaurien, un Arabe nommé Isom, fut à ce point impertinent que, pour faire un exemple, je lui fis donner vingt-cinq coups de combache (mot inconnu : cravache ? bâton ?). Saati, mon valki (son garde du corps ?), s’avançait pour le saisir, lorsqu’éclata une rébellion générale. Beaucoup laissent leur fusils et s’arment de bâtons pour venir défendre leur camarade. Saati étant de petite taille et Isom très grand, l’avantage demeura à ce dernier.

Convaincu de la nécessité de ne point céder à l’émeute et de châtier son chef, je m’avançai pour le saisir, mais, sentant derrière lui une trentaine de compagnons, il se jugea assez fort pour intervertir les rôles et s’élança sur moi avec une furie tout à fait ridicule. Je parai sans peine le coup qu’il me destinait et je le rejetai au milieu des siens ; d’un second coup, je le mis hors de combat ; après quoi, le saisissant à la gorge, j’ordonnai à Saati de m’apporter une corde avec laquelle je l’attachai. Les mutins essayèrent de nouveau de rendre la liberté à leur chef.

Comment tout cela se serait-il fini ? je ne sais, mais comme la scène avait lieu à dix mètres de l’embarcation, ma femme, malade de la fièvre, entendit tout ce tapage.
Me voyant entouré, elle s’élança sur la rive, et la voilà bientôt au milieu de la troupe, qui s’efforçait de dégager mon prisonnier. Son apparition inattendue eut le plus curieux résultat. Demandant l’assistance des moins excités, Mme Baker s’ouvrit très courageusement un chemin jusqu’à moi. Un moment d’indécision se produisant chez les rebelles, j’en profiter pour crier au tambour de battre la caisse, ce qui fut fait immédiatement.
Je commandai de former les rangs, et il est très remarquable avec quelle précision machinale un ordre est exécuté quand il est donné à propos, même au milieu d’une émeute. Les deux tiers des hommes s’éloignèrent, et les autres se retirèrent, emmenant Isom, le disant grièvement blessé. L’affaire se termina par un nouveau commandement à toute la troupe de s’aligner pendant qu’on m’amènerait le chef de l’émeute.

A cet instant critique, Mme Baker s’avance adroitement, me suppliant de pardonner au coupable s’il me baisait la main et me demandait grâce, compromis qui ramena la paix. Quelques minutes avant, mes hommes étaient en pleine sédition : maintenant ils disaient à leur chef Isom de s’excuser et que tout s’arrangerait. Je les réprimandai vivement et je les congédiai. »

Courageuse Mme Baker !

Article rédigé par Laurent Bastard, merci :)

Tags:

Leave a Reply