Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
Bibliothèque de ressources historiques, culturelles, artistiques, litteraires, sportives…sur la canne et le bâton, en France et dans le monde…
LE TCHUPBAZI IRANIEN, OU JEU DU BÂTON, PAR STÉPHANE BIGO (1977)

Stéphane BIGO, né en 1937, est un grand voyageur à cheval. Il a parcouru le Moyen-Orient en 1976-1977, l’Ouest américain en 1979, l’Amérique du Sud en 1984-1985, l’Afrique en 1994, les Pyrénées en 1997, l’Extrême-Orient en 1999.
Tous ses voyages ont fait l’objet de récits particulièrement intéressants de par le regard porté par l’auteur sur les hommes et les femmes rencontrés, leurs modes de vie, leurs cultures. La qualité de ses livres leur ont valu plusieurs prix littéraires.
Depuis 1996, Stéphane BIGO se consacre à l’équitation éthologique et à l’éducation du cheval. (d’après le site education-du-cheval.com).

Le récit de son premier voyage en 1978-1977, où il parcourut avec un cheval et une mule 7000 km à travers la Turquie, l’Irak, l’Iran et l’Afghanistan, a été publié en 1979 chez Fernand Nathan sous le titre « Crinières au vent d’Asie ; 7000 kilomètres à cheval d’Istanbul à Kaboul ». Il renferme (p. 200-201) un passage où l’auteur décrit le jeu du bâton, ou « Tchupbazi », auquel il assista dans un village iranien :

« Ce soir dans le village où nous sommes il y a un mariage. Effectivement, on entend au loin une rumeur et un sourd martèlement. Après le dîner, nous allons voir. Sur une petite place, une multitude de gosses, d’hommes, et de femmes entourent une surface assez vaste sur laquelle évoluent des danseurs. Nous avons de la chance, nous allons assister au très curieux « Tchupbazi », le jeu du bâton. Cela tient à la fois de la danse et du combat.
Près d’un mur, sur des tapis, sont installés trois musiciens. L’un d’eux s’époumone dans un instrument à anche qui a la forme d’une courte trompette. Il module une musique aigrelette sur quelques notes qu’il a l’air de pouvoir tenir indéfiniment. A côté, deux énormes tambours sphériques en terre cuite calés sur des pierres, les batteurs sont déchaînés.

Sur l’aire de jeux, deux danseurs : l’un tient entre les mains un piquet d’environ deux mètres, l’autre une branche souple de la taille d’une canne.

D’abord c’est une parade, chacun improvise des mouvements de danse en utilisant son bâton pour montrer son adresse ou sa souplesse.
L’homme au piquet le pose sur son front et les bras écartés tourne sous lui-même. Il le lance, le rattrape toujours en équilibre sur une main, puis sur l’autre. Le deuxième danseur saute par-dessus le bâton qu’il tient à deux mains, virevolte en lui faisant faire toutes sortes d’arabesques. Pour l’instant, ils s’ignorent.

Puis le combat. Les voilà face à face. Celui qui porte la trique attaque. L’autre se défend et pare les coups en se protégeant derrière le pieu qu’il plante verticalement sur le sol. La préparation est longue. Comme au fleuret, les combattants se concentrent, s’observent, la tension monte sur un fond de musique lancinante martelée par le rythme échevelé des tambours. Tout à coup, l’attaquant porte assaut. La branche part comme un fouet pour cingler les jambes de l’adversaire.

C’est un jeu violent qui fait mal quand le coup porte. Le vaincu a parfois une lueur assassine dans les yeux, sa douleur crie vengeance, le jeu est au bord de la rixe.
Le vainqueur reste en piste, applaudi par le you-you suraigu des femmes. Il émane de cette multitude une tension qui dépasse celle d’une simple fête. »

Article rédigé par Laurent Bastard, merci :)

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