Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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LE BATON DE COTRET (COTERET) – 2

Nous avons vu lors du précédent article le sens de « cotret », petit bois de fagot, et nous avons donné quelques références où ce mot est employé par divers auteurs. En voici une dernière, extraite des Contes de BOCCACE, ou « Décaméron », publié vers 1350 par BOCCACE (1313-1375). Il s’agit de la septième nouvelle de la septième journée du livre, intitulée « Le mari cocu, battu et content ».

Certes, le texte original, en italien, ne renferme pas le mot « coteret ». Il figure dans sa traduction donnée en 1779 par Antoine SABATIER de CASTRES (1742-1817), car le mot était encore usité et compris à l’époque.

L’extrait prend place au sein des nombreuses corrections à coups de bâton déjà rencontrées à la lecture des œuvres littéraires, et l’on croit assister à quelque épisode du théâtre italien…

Replaçons le dans le contexte : Béatrix, une jolie femme, a épousé un homme excessivement jaloux, nommé Egano. Excédée de sa surveillance permanente, et pour s’en venger, elle prend un amant nommé Hannequin, qui est l’intendant d’Egano. Elle feint de dénoncer ses avances à son mari et l’envoie au lieu supposé de leur rencontre pour qu’il le punisse, déguisé en femme. Evidemment, l’amant y est envoyé par elle pour qu’il rosse la fausse épouse et prouve son honnêteté aux oreilles du mari…

« Après avoir goûté des plaisirs que l’amour seul peut apprécier, la belle, jugeant qu’il était temps que son amant dénichât : Lève-toi, mon ami, lui dit-elle, prends un bâton, et va-t-en vite au jardin. Là, faisant semblant de ne m’avoir sollicitée que pour m’éprouver, d’aussi loin que tu verras mon mari, tu lui diras mille injures, comme si c’était à moi-même, et tu le frotteras de la bonne manière. Tu sens combien le tour sera plaisant.

Hannequin se lève et va au jardin, armé d’un bâton de coteret. Egano, qui s’impatientait de l’attendre, charmé de le voir arriver, se lève comme pour le recevoir avec amitié. Femme perfide, s’écrie Hannequin en s’approchant, je n’aurais jamais cru que vous eussiez poussé si loin l’ingratitude envers votre honnête homme de mari. Vous êtes-vous figuré que je serais assez lâche pour lui manquer moi-même à ce point-là ? désabusez-vous, mon intention n’était que de vous éprouver. Après ces mots, il lève le bâton et lui en applique un bon coup sur les épaules. Egano, le cœur plein de joie de l’honnêteté de son intendant, lui pardonna volontiers de l’avoir frappé ; mais, comme il ne voulait point s’exposer à un second coup, il prit la fuite sans mot dire. Hannequin le poursuit en le frappant et en lui criant : Puisse le ciel te punir de ta lâcheté ! crains que je n’en instruise mon maître. Si je ne l’en informe point, ce ne sera pas par égard pour toi qui n’en mérites aucun, mais pour lui épargner un tel chagrin. »

De retour en sa demeure, Egano raconte ce qui s’est passé et dit à sa femme que l’intendant l’a « sanglé de tant de coups de bâton qu’il en a les épaules brisées ».

« Depuis cette aventure, Egano crut avoir et la femme la plus vertueuse et l’intendant le plus affectionné qu’il fût possible de trouver. Béatrix et son amoureux rirent plus d’une fois de cette scène singulière. »

Article rédigé par Laurent Bastard, merci :)

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