Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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DES CANNES NUES AUX CANUTS

C’est dans la revue « Atlantis » n° 297 de mars-avril 1978 consacré au Compagnonnage, sous la plume de Lucien CARNY, que l’on trouve l’étymologie fantaisiste de « canut », terme employé pour désigner les tisseurs lyonnais et que le chanteur Aristide BRUANT a popularisé en 1894 dans son célèbre « Chant des canuts ».
L. CARNY écrit, p. 196 : « Le dernier peut-être, hélas ! des Compagnons Tisseurs à qui je demandais l’origine du surnom de « Canut », m’a répondu ceci : « Les Compagnons Tisseurs n’avaient pas de rubans, ni de pompons à leurs cannes, mais ils ornaient celles-ci de pièces en or suspendues à des chaînes ; mais vu leur pauvreté, ils étaient obligés de les vendre pour manger, et les autres Compagnons les surnommaient les « Cannes Nues », de là en langue des Gonnes, c’est-à-dire des Lyonnais, « Canuts ». »

On est évidemment en pleine poésie et cela ne repose sur rien. Si les tisseurs étaient si pauvres, on ne voit pas comment ils auraient pu acheter des pièces en or pour les vendre ensuite pour manger. De plus, dès leur fondation, les compagnons tisseurs se sont dotés de rubans ou « couleurs », et ils étaient bien placés pour en fabriquer.
Le mot « canut » est déjà attesté en 1805 dans un ouvrage technique, soit bien avant la fondation des compagnons tisseurs-ferrandiniers du Devoir, qui date de 1831. De plus, tout canut n’était pas un compagnon porteur de canne.
L’origine du mot « canut », bien qu’incertaine, semble se rapporter à « canette », terme qui désigne le dévidoir à fil, en bois, à bouts ferrés.

La « canne nue » n’est cependant pas absente du vocabulaire des compagnons. Elle désigne celle sur laquelle on n’enroule pas, en les entrecroisant, deux rubans ou « couleurs », comme le font les « rouleurs » d’une société compagnonnique, précédant un cortège.
Dans ses « Confessions d’un compagnon » (1864), le cordonnier Toussaint GUILLAUMOU écrit par exemple : « Ces couleurs, que nous portions à droite, furent dès lors portées à gauche, et notre canne, qui jusqu’alors avait été nue, fut garnie du lien qui symbolise l’alliance des compagnons. ».
« Canne nue » s’oppose ici à « Canne garnie ».

Pour finir sur le chapitre des étymologies douteuses, voici ce qu’on peut également lire dans « Les métiers disparus d’Avallon », étude parue en 1927 dans le Bulletin de la Société d’études d’Avallon (Yonne), à propos du maréchal-ferrant, p. 64 : « Alors que l’Ecole vétérinaire d’Alfort ne s’ouvrait qu’à l’aspirant capable de ferrer un cheval en deux chaudes, les trois premiers élèves de chaque cours des écoles, filles de la maréchalerie, étaient désignés sous le nom de « cannards », parce que primitivement ils portaient la canne de compagnon. ». Nous ignorons sur quoi repose cette affirmation, non vérifiée ailleurs.

L’illustration représente un compagnon tisseur-ferrandinier du Devoir et est extraite de l’une des quatre planches lithographiées, éditées par Agricol PERDIGUIER en 1858 sous le titre « Le Compagnonnage illustré ». Les compagnons tisseurs avaient adjoint à leur nom celui de « ferrandiniers », allusion à une étoffe de soie et de laine inventée au XVIIe siècle par un nommé Ferrand.
On remarquera que la canne posée sur le baluchon est une canne garnie de deux couleurs croisées.

Article rédigé par Laurent Bastard, merci :)

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