Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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COUPS DE CANNE AU RENARD…ET AU BOULANGER

Les dessins et estampes réalisés pour les compagnons au XIXe siècle recèlent de détails qu’un oeil non averti ne remarque pas. Il en est ainsi des beaux dessins aquarellés réalisés par Etienne LECLAIR « piqueur » (employé des ponts et chaussées) à Bordeaux, sous la Restauration et d’Auguste LEMOINE, connu durant les années 1830-1840. De ce « peintre des compagnons », comme il signait lui-même, nous ne savons pas grand chose, sinon qu’il a exercé à Angers.

Tous deux composaient de beaux tableaux-souvenirs destinés aux compagnons (surtout les couvreurs, les charrons, les charpentiers). Ceux-ci les conservaient précieusement chez eux, lorsqu’ils avaient fini leur tour de France. Il s’agit soit de portraits du compagnon en pied, avec sa canne et ses rubans (les « couleurs »), soit de scènes de « conduites » (le cortège des compagnons suivant l’un des leurs, qui quitte une ville pour une autre ou rentrer chez lui, « avec honneur et gloire ».

Sur les scènes de conduites il est un détail qui concerne notre sujet, à savoir l’emploi de la canne pour châtier les imposteurs, les pseudo-compagnons et les ouvriers qui rejettent le compagnonnage.

Sur une conduite peinte par LECLAIR en 1817 pour un compagnon charpentier partant de Bordeaux (exposée au musée du Compagnonnage de Tours), on aperçoit au second plan un compagnon sorti du cortège qui s’apprête à frapper avec sa canne un renard avec une poule dans la gueule. C’est une manière figurée de représenter la punition infligée aux « renards », c’est-à-dire les ouvriers non-compagnons qui voyagent en dehors du Compagnonnage, s’embauchent librement et à n’importe quel prix et don « gâchent le métier ».

Sur une autre composition, de LEMOINE cette fois, réalisée pour les compagnons couvreurs d’Orléans en 1839, la même scène figure au premier plan, tout près du cortège qui se déroule à Tours, le long de la Loire.

Mais LEMOINE, sur d’autres tableaux, se moque aussi des compagnons boulangers. A son époque, tous les compagnonnages du Devoir s’étaient ligués contre eux, considérés comme indignes d’appartenir au Compagnonnage (parce qu’ils n’utilisaient pas le compas et l’équerre, parce qu’ils s’étaient fondés irrégulièrement, etc.).

LEMOINE figure donc souvent à l’arrière plan de ses compositions de petites scènes où l’on voit un âne ruant sur un boulanger, qui est projeté au sol et répand tous les pains de sa hotte. Sur l’un des tableaux, l’âne projette même du crottin sur le pauvre « chien blanc » (surnom des compagnons boulangers). C’est dire le mépris dans lequel étaient tenus ces nouveaux venus dans le compagnonnage (vers 1810, tout de même).

Mais sur l’une de ses compositions, le message est plus clair : c’est un renard voleur de poule qui renverse le mitron et c’est un compagnon couvreur qui va frapper l’un et l’autre avec une canne de longueur démesurée ! Ce détail se trouve sur un dessin de conduite de 1838, sur fond de monuments bordelais, exposée au musée de Tours.

On aurait presque là tous les éléments pour écrire une fable qui s’intitulerait : « La poule, le renard, le chien blanc et le coucou » !

Article rédigé par Laurent Bastard, merci :)

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