Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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LA CANNE DE MACHIN, PAR A.D.G. (1982)

Alain FOURNIER dit CAMILLE, qui signa ses livres du pseudonyme A.D.G., fut un des meilleurs auteurs de romans policiers de sa génération. Né à Tours en 1947, mort à Paris en 2004 et inhumé à Véretz (37), il écrivit plusieurs polars qui ont pour théâtre le Berry, la Sologne blésoise et la Touraine (La Nuit des grands chiens malades (1972), Le Grand Môme (1977), Juste un rigolo (1977), Balles nègres (1981), etc.), puis la Nouvelle-Calédonie, où il vécut quelques années. Il est défini comme un anarchiste de droite, voire d’extrême droite. Ses romans comportent de nombreuses allusions à des auteurs de cette tendance politique, mais pas seulement. A.D.G. avait du style, de la culture et de l’humour.

Il met en scène dans plusieurs de ses romans policiers deux personnages inséparables : l’avocat Pascal Delcroix, ancien parachutiste d’opinions réactionnaires, et le journaliste Sergueï Djerbitskine, fils d’émigré russe blanc, à la « République du Val-de-Loire », quotidien régional dont le nom est évidemment inspiré de celui de « La Nouvelle République du Centre-Ouest ». S. Djerbitskine se surnomme lui-même « Machin » car personne n’est capable de prononcer correctement son patronyme.

Il faut avoir lu le roman précédent – « Pour venger pépère » (1980) – pour comprendre pourquoi Machin se déplace désormais avec une canne. En effet, il a eu la rotule brisée à coups de fer à repasser, dans son domicile, par de méchants individus qui voulaient le faire parler.

Le roman qu’A.D.G. a ensuite publié en 1982 sous le titre « On n’est pas des chiens », remet en scène les deux héros précédents, l’avocat Pascal Delcroix et Sergueï Djerbitskine alias Machin, qui essaient de résoudre une vilaine affaire d’animaux maltraités chez une jeune femme qui les héberge et d’assassinat. On suspecte un trafic conduit (à tort) par les gens du voyage, avant de découvrir qu’il s’agissait de la machination d’un triste sire pour récupérer un immeuble.

Voici les extraits où est citée la canne de Machin. On notera qu’A.D.G. emploie plusieurs termes propres à l’escrime (« le bras à demi tendu, en sixte », « me fendre », « en septime ») :

Page 21 : « Je me dirigeai en boitant par la rue du Commissariat à la République (…) faisant sonner le bitume de ma canne en jonc, cadeau de mon grand-père, un des survivants de la grande épopée taxie russe à Paris. »

Page 24 : « – Téléphone ! cria le bistrot après l’avoir décroché, au coin du zinc. Machin, c’est pour toi, ton canard…
- Encore une bébête à sa mémère, plaisantai-je en essayant d’extirper mon ventre coincé entre la banquette et la table, faisant tomber ma canne, le cendrier et les clés de voiture de Pascal. Je reviens… »

Page 63, Moune, une ado insolente dit à Machin : « – Si elle est aussi moche que Charbo, gloussa Moune, on comprend qu’il ait pas envie de la montrer.
Un adroit coup de canne sur le bout des doigts lui fit pousser un hurlement qui dut conforter les voisins dans l’idée que d’inimaginables orgies sadiennes se déroulaient dans ce cabinet très particulier. »

Page 69 : « Un chien hurla en tirant sur sa chaîne et j’étreignis le pommeau de ma canne (un cadeau de mon grand-père, lui dirre canne trrès utile dans vie chenapan). »

Pages 73-74-75, Pascal Delcroix et Machin se rendent dans un camp de gens du voyage en bordure de Tours mais la rencontre se termine mal et Machin s’en tire grâce à sa canne, qui se révèle être une canne-épée :« Avec un grand fracas, la cabane s’écroula en poussant un énorme soupir de braise et c’était ma chance. Je tirai un coup sec sur le pommeau de ma canne, en sortit une lame fine et extrêmement acérée, profitai que l’attention de mes deux gardes était détournée par l’effondrement spectaculaire de la maison au René et appuyai la pointe de mon épée sous le sein de Marie Aubertat. De surprise, elle en lâcha son fusil que je poussai du pied. J’avais le bras à demi tendu, en sixte et je prévins en criant fort. – Le premier qui bouge, j’enfonce ! (…) Pascal se glissa au volant, mit le moteur en marche. J’étais toujours debout près de ma portière, l’épée à bout de bras (tenant de l’autre main la canne-fourreau) mais je n’avais qu’à me fendre pour transpercer Marie Aubertat de part en part et, ma parole, songeant à Jeanne, j’y étais presque disposé. (…) J’eus le plus grand mal, alors qu’il était déjà en troisième, à refermer la portière, rengainer ma lardoire sans m’empêtrer et souffler un coup. (…) – Machin, ce héros au ventre de saindoux, rigola-t-il. A propos, chapeau pour la canne-épée, ça m’a surpris comme ruse.
-Spassiba diadouchka, dis-je, merci grand-père ! Il a rapporté deux cannes de Russie : une canne-fusil qu’il m’a promis de me léguer et celle-là que je possède déjà. « Homme d’honneur plus pouvoirr porrter épée au côté mais honneurr interrdit pas à homme porrter épée cachée » ajoutai-je en imitant la chère vieille chose. »

Pages 79-80, Machin revient dans la maison où il espère retrouver son amie Jeanne mais il se trouve sous la menace d’un homme qu’il ne distingue pas dans l’obscurité : « Le pommeau de ma canne se décoinça avec un léger déclic.
- Laissez donc votre canne tranquille, cher monsieur Machin, dit la voix plus brièvement. Vous me prenez pour un enfant !.
Le salopard m’avait deviné ! Bien sûr, il avait un avantage sur moi, c’est que j’étais éclairé faiblement par la lumière de l’extérieur (des chariots, des ourses replettes, des voies lactées et une bonne grosse lune comme une paire de fesses) et que le coup de la canne-épée, je venais de l’exercer à l’encontre de sa petite famille pauvre, mais il était bougrement rapide.
Sur son injonction, je posai ma canne et la repoussai du pied vers la chambre au lit en rond. »

Page 82, l’homme vient de quitter la maison après avoir assuré que l’amie de Machin, qu’il avait enlevée, serait relâchée : « J’entendis frapper au carreau de la porte. Je ramassai ma canne-épée, la décannai et me mis en garde, les ongles bien au-dessus ainsi que répété par les meilleurs maîtres d’armes de la cour de la Sainte-Russie quand la porte s’ouvrit. Et que, plus ivoirine et ébouriffée que jamais, Jeanne parut. »

Page 133, plus tard Delcroix et Machin décident d’observer à la jumelle le camp de nomades du haut d’un château d’eau, mais ils sont aperçus et on tire sur eux : « – Evidemment, dis-je, tu n’as pas ton flingue ?
- Pas plus que tu n’as ta canne-épée, répondit-il en haussant les épaules. (Je l’avais laissée dans son automobile avec son grand parapluie breton qui nous eût été utile comme parachute.) »

Page 135, les choses se gâtent pour eux et un Romanichel grimpe à l’échelle du château d’eau : « Le gaillard au crochet était maintenant aux trois-quarts de son ascension et, ôtant un instant son dégoûtant instrument de sa bouche, il nous lança des injures gutturales. Avec regret, je pensai que si j’avais eu ma canne-épée, j’aurais pu lui transpercer la main ou lui crever un œil en septime. »

Page 148, Delcroix et Machin sont interrogés par le commissaire de police Hennique : « Hennique nous regarda avec une sorte de consternation, Pascal toujours sur mon accoudoir et moi appuyé sur le pommeau de ma canne, sérieux comme deux papes. »

Page 152, les deux compères se retrouvent avec Jeanne dans leur bistrot habituel : « Moqueurs, deux lycéens passèrent près de nous et l’un d’eux lança assez fort en ricanant acnéeusement : T’as vu le gros qui console sa moitié… non, son tiers !
Est-ce l’extrémité de ma canne qui se faufila par pure maladresse de ma part, entre ses pieds ou parce que la jeunesse ne tient pas debout, je ne sais mais toujours est-il qu’il s’affala la tête en avant dans le flippeur du fond qui tilta un beau rot machinal. »

Article rédigé par Laurent Bastard, merci :)

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