Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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LE SERMENT SUR L’ABACUS DU GRAND-MAITRE DES TEMPLIERS


En 1854 fut publié un roman intitulé « Les Catacombes de Paris », par Elie BERTHET (1815-1891). Il parut en feuilleton dans des hebdomadaires, comme « Le Voleur », dont nous avons extrait l’illustration de cet article (numéro du 30 mai 1862).

Ce roman, bien dans la veine des romans mystérieux du milieu du XIXe siècle, comme « Les Mystères de Paris » d’Eugène SUE, met en scène deux jeunes gens, l’abbé Chavigny et l’avocat de Lussan, libres penseurs du Paris des Lumières sous Louis XV. Ils cherchent à retrouver Thérèse de Villeneuve, une jeune fille disparue du couvent du Val-de-Grâce, et leurs investigations les conduisent dans les catacombes. Là, ils atteignent le lieu de réunion des Templiers, qui n’ont pas disparu en 1314 avec Jacques de Molay, mais ont été perpétués par Larménius, adjoint du grand-maître, jusqu’au XVIIIe siècle.

Arrivés en pleine réunion des templiers, les jeunes gens sont identifiés par le grand-maître, qui se porte garant de leur discrétion et leur fait prêter serment de soutenir l’ordre. Puis il fait venir un vieux templier allemand, carrier de son état, pour les conduire dans d’autres parties des catacombes, où est peut-être enfermée la jeune fille. Le vieux carrier nommé Salomon Hartmann, est réticent : un être méchant et dangereux réside dans ces lieux de ténèbres… Alors le grand-maître use de son autorité en lui faisant prêter le serment sur son bâton de commandement, l’abacus (p. 305-307 de l’éd. Hachette de 1863, t. I) :

« - Si notre révérend grand-maître l’ordonne…
- Je vous l’ordonne, Salomon Hartmann, mais cela ne suffit pas. Vous allez encore me promettre d’aider ces jeunes gens de tout votre pouvoir dans cette entreprise… (…)
- Ne me demandez pas cela, vénérable père, dit-il avec véhémence ; si cette jeune fille est tombée au pouvoir de celui que j’imagine, je vous en conjure, ne vous mêlez pas de cette affaire. Vous ne savez pas combien il est dangereux d’irriter cet « être », combien il est implacable dans ses vengeances ! (…)
Ces craintes exprimées avec un accent convaincu produisirent quelque impression sur le grand-maître, mais il n’eut garde de laisser voir ce sentiment (…).
Le grand-maître reprit : « Hartmann va vous guider, Philippe de Lussan ; il sait, selon toute apparence, sur l’habitant des carrières des détails que je voudrais apprendre (…).
Puis, se tournant vers l’ancien carrier :
- Salomon, lui dit-il, vous allez quitter le costume de l’Ordre, qui’ il vous est permis de porter seulement dans nos cérémonies, et vous reviendrez aussitôt… Maintenant, écoutez-moi, Salomon Hartmann : l’existence de ce jeune homme (et il désignait Philippe) est plus précieuse que dix des plus illustres existences de notre sainte association, la mienne fût-elle du nombre. Pour un cheveu qui tomberait de cette noble tête, vous aurez à verser des larmes de sang, et s’il lui arrivait malheur par votre faute, vous seriez maudit et anathème septante fois sept fois… A genoux, Salomon Hartmann ! »
Le vieillard se prosterna pieusement. Alors le grand-maître abaissa vers lui son bâton de commandement, ce célèbre « Abacus », insigne de sa dignité ; il lui mit la boule d’or dans les mains, tandis qu’il tenait l’Abacus par l’autre extrémité.
- Salomon Hartmann, reprit-il d’une voix vibrante, vous jurez par la voix du Dieu vivant, par votre salut éternel, par votre baptême, par notre ordre auguste, de ramener ce jeune homme sain et sauf, fût-ce au péril de votre propre vie.
- Je le jure, répliqua le templier.
- Gloire à Dieu !… Allez en paix, Salomon Hartmann.
Le vieillard baisa la croix gravée sur l’Abacus et sortit. »

Cet épisode romancé n’est pas absurde. Il existait bien des serments prononcés sur un bâton qui symbolisait l’autorité de son possesseur. Voir les articles : Le serment sur la canne de l’alcade d’Isaba et Dans les Pyrénées le baisement de la vare de justice.

Article rédigé par Laurent Bastard, merci :)

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