Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
Bibliothèque de ressources historiques, culturelles, artistiques, litteraires, sportives…sur la canne et le bâton, en France et dans le monde…
LA COURSE DES JAMBES DE BOIS (1895)

Le « Petit Journal », en son n° du dimanche 24 mars 1895, consacrait sa dernière page à « La course des jambes de bois ». On y voyait un groupe d’hommes handicapés, unijambistes, courir en s’appuyant sur leur canne et leur pilon, et l’un des participants effondré au milieu du groupe. Un court article expliquait de quoi il s’agissait :

« La course des jambes de bois.
Une course très originale vient d’avoir lieu à Nogent-sur-Marne.
M. Viart a porté un défi à toutes les jambes de bois et vingt-cinq ont répondu à son appel.
On a fait cette remarque curieuse que les jambes gauches amputées étaient en grande majorité.
Dix-huit sur vingt-cinq ! Pourquoi ? Je ne suis point en état de vous le dire et dois me borner à vous fournir les résultats.
Le parcours était de 200 mètres ; il a été couvert en 30 secondes par M. Roulin, immédiatement proclamé champion du monde.
Il est né à Orléans, il y a une trentaine d’années, et a perdu sa jambe il y a huit ans à la suite d’un accident du travail.
Nous souhaitons vivement que l’honneur qu’il a recueilli console un peu l’excellent homme de sa triste infirmité. »

L’image et la lecture de cet article laisse un certain malaise… On n’est pas ici devant une compétition de personnes handicapées, lors de jeux paralympiques, par exemple. Dans ce dernier cas, les personnes handicapées sont considérées comme de véritables sportifs et le démontrent amplement.

Mais l’organisateur de cette « course aux jambes de bois » avait-il cette optique ? Ne s’agissait-il pas plutôt d’un spectacle monté pour son originalité et son côté un peu ridicule, où le voyeurisme et la pitié se mélangeaient ? C’est d’une autre époque qu’il s’agit là. Rappelons-nous tous les spectacles qui ont perduré jusque dans les années 1980 et qui heurtent aujourd’hui notre sensibilité ou nos valeurs : au XVIIIe siècle les concerts d’aveugles (voir l’article : Les cannes des aveugles musiciens), les lancers de nains, les concours de tee-shirts mouillés, les « phénomènes » de foires, les combats de chiens et autres animaux, etc.

Nous avons essayé d’identifier le vainqueur du concours, M. Roulin, né à Orléans « il y a une trentaine d’années », donc dans les années 1860. Il pourrait s’agir de Paul Auguste ROULIN, né le 28/02/1865, fils d’un tailleur de limes. Selon son acte de mariage à Tours en 1890 il est « chanteur ambulant », lors de son divorce à Bourges en 1911 il est « artiste lyrique » et lors de son remariage la même année à Orléans il est « marchand forain ». D’autres Roulin sont natifs d’Orléans dans les années 1860 mais leur fiche matricule militaire ne fait pas été d’un accident qui les aurait conduit ipso facto au statut de réformé. Et en ce qui concerne Paul Auguste Roulin, il fut exempté dès son passage au conseil de révision, donc sa fiche matricule n’a pas été établie.

Article rédigé par Laurent Bastard, merci :)

Tags:

Leave a Reply