Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
Bibliothèque de ressources historiques, culturelles, artistiques, litteraires, sportives…sur la canne et le bâton, en France et dans le monde…
LA PRATIQUE DU BATON CHEZ LES MARINS
 
Que faire sur un bateau lorsqu’on n’est pas un soldat mais un simple matelot, donc privé d’armes ? Se battre avec ses poings, ses pieds ou un bâton. Car la vie du marin était une vie de menaces et de mort ; il était à la merci de la mer déchaînée, des récifs, des pirates et des corsaires (dans les mers d’Asie et la mer Rouge jusqu’à nos jours), des navires ennemis, et soumis à une discipline impitoyable. Il fallait aussi se distraire et décharger l’agressivité refoulée.
Jean-François LOUDCHER, dans son « Histoire de la savate, du chausson et de la boxe française (1797-1878) : d’une pratique populaire à un sport de compétion » (L’Harmattan, 2000), écrit, p. 97 : « L’institution militaire signale pour la première fois, à travers la voix du Ministre, que l’enseignement de la boxe et du bâton doit être encouragé : « Art. 15 – Les instructeurs de gymnastique (officiers mariniers et quartiers-maîtres) devront, pour la plupart, se trouver en mesure de donner des leçons de chant par la méthode Chevé et d’enseigner la boxe et le bâton » (Bulletin officiel de la Marine, n° 40, 2e semestre, p. 72-91).
L’idée que la Marine soit le précurseur de l’institutionnalisation de la boxe française dans l’Armée est plausible car le premier manuel qui fixe un programme d’enseignement de la boxe française, du bâton et de la canne est publié par cette arme en 1875 (Manuel pour l’enseignement de la gymnastique et de l’escrime, publié par ordre de M. le ministre de la Marine et des Colonies ; Paris, Librairie militaire de J. Dumaine, 1875).
Mais il s’agit ici d’une pratique reconnue et officialisée par les autorités militaires. Avant 1875, des marins enseignaient le bâton, sur les navires marchands comme sur les vaisseaux militaires.
En 1864, Gabriel de la LANDELLE publie dans la Semaine des familles « Le parrain et le filleul, nouvelle maritime ». Le chapitre X (p. 116-117) comporte une « lettre du mousse » à sa mère où figure un passage où le jeune garçon évoque son apprentissage : « Tous les jours, après le fourbissage, maître Barbejean me fait dire une réponse du catéchisme ; et tous les soirs, avant le branlebas, il me donne une leçon de bâton, de manière que, si je n’ai pas récité mon catéchisme recta, gare dessous, il me tape bien fort sur les doigts, disant que c’est la sagesse. Le matelotage, le catéchisme, les exercices, le bâton, tout ça ne va pas mal ; mais le pire, le plus pire, voyez-vous, mère, c’est ce brigand d’A B C qu’on montre aux mousses de onze heures à midi. »
L’année suivante, Landelle publie « Le Gaillard d’avant, chansons maritimes », où il reprend, p. 43, le thème de la Lettre du mousse :
« Votre Yvonik, ma chère mère,
Apprend comme il faut son affaire,
Et deviendra bon marin,
Grâce à son vieux parrain. »
Il dit qu’il apprend les noeuds de toutes sortes, divers travaux et ajoute :
 » Je connais toute la mâture
Avec son gréement, sa voilure ;
Et, chaque soir, prends leçon
Pour tirer le bâton. »
On relèvera aussi cet extrait de « Mon frère Yves », de Pierre LOTI (1850-1923), publié en 1883. Loti y dresse le portrait de Barrada, un rude gaillard : « Moyennant salaire, ce Barrada professait à bord tous les genres d’exercices en usage parmi les matelots : boxe, canne, chausson, avec la gymnastique par-dessus le marché, et le chant et la danse. Souple comme un clown ; l’ami de tous les hercules de foire posant chez des sculpteurs ; luttant pour de l’argent chez des saltimbanques. »
Fort intéressant article rédigé par Laurent Bastard. Merci :)

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