Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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« PLUS DE BATON DE LONGUEUR » PAR L.-P. JOURNOLLEAU (1870)

Dans l’article précédent, nous avons évoqué le « bâton de longueur« , arme redoutable des bâtonnistes du XIXe siècle, et avons signalé qu’il était prisé des compagnons du tour de France.

On rencontre aussi sous leur plume le terme de « canne de longueur ». Notre arrière-grand-père, compagnon tanneur du Devoir, écrivait vers 1868, parmi une liste de réformes souhaitables : « (il faut) supprimer la canne de longueur, ne porter qu’une canne de 1 m 10 cent. » C’était à cette époque une demande pressante des compagnons progressistes et pacifiques, qui voulaient mettre fin aux rixes entre membres de sociétés ennemies et apparaître aux yeux des autorités comme des ouvriers observant les lois. De petites cannes, voire plus de cannes du tout, était le voeu des compagnons les plus réformistes de la fin du XIXe siècle, ceux qui militèrent dans la Fédération compagnonnique de tous les Devoirs réunis (1874) puis dans l’Union Compagnonnique (1889).

En 1859, le compagnon boulanger Louis Pierre JOURNOLLEAU publia son recueil intitulé « L’Innovateur – Recueil de chansons nouvelles dédiées à tous les compagnons du Tour de France indistinctement », qui fut réédité en 1870 et en 1907 (à titre posthume). Ce compagnon, dit « Rochelais l’Enfant chéri » (1814-1882) appelait ses Pays et Coteries à se réconcilier en faveur d’un Compagnonnage unifié sinon unique. Il est l’auteur d’une chanson intitulée « Plus de bâton de longueur », où il exhorte ses frères à abandonner ces « triques gigantesques ». Comme il l’écrit lui-même dans le premier couplet, cette chanson ne figurait pas dans la première édition de ses oeuvres. Elle a donc été écrite après 1859 et publiée en 1870. La voici, telle qu’elle figure dans l’édition de 1907, p. 53-54.

PLUS DE BATON DE LONGUEUR

AIR : Le Forçat libéré

Puisque la paix, frères du Tour de France,
Vient d’établir son domaine chez nous,
Des corps d’état célébrons l’alliance,
Soyons heureux d’un bonheur aussi doux.
D’un sujet neuf, Compagnons que j’honore,
J’augmente, ici, l’illustre « Innovateur »,
Je viens parler du bâton de longueur,
C’est un abus qu’il faut détruire encore.

De l’amitié savourons les douceurs,
Laissons en paix nos bâtons de longueur. (bis)

De ces bâtons que j’abhorre et déteste,
Que l’amitié doit bannir à jamais,
Joyeux enfants, je le dis sans conteste,
C’est un fléau peu digne du progrès ;
Réformons-le d’un accord indicible,
Ne craignons plus d’ennemis sur le Tour,
Puisque nos coeurs sont liés par l’amour,
Suivez les voeux d’un compagnon paisible.

De l’amitié savourons les douceurs,
Laissons en paix nos bâtons de longueur. (bis)

Je me souviens de ces luttes sanglantes,
Car jeune alors je parcourais les champs,
Je me souviens de ces lames tranchantes,
De ces propos mauvais et discordants ;
De l’oppresseur pardonnant l’ignorance,
De l’opprimé j’étais le défenseur ;
Du beau Devoir, chaleureux sectateur,
Je prêche encor la paix du Tour de France.

De l’amitié savourons les douceurs,
Laissons en paix nos bâtons de longueur. (bis)

Ne portez plus ces triques gigantesques,
Triste décor, le progrès n’en veut plus ;
Ne chantez plus de ces couplets grotesques.
L’homme sensé repousse ces abus.
Si vous suivez mes conseils, je l’espère,
Présage heureux d’un délirant bonheur,
L’Enfant Chéri vient en réformateur
Vous assurer d’un avenir prospère.

De l’amitié savourons les douceurs,
Laissons en paix nos bâtons de longueur. (bis)

Cette chanson fait le pendant de cette autre de Journolleau, intitulée « Ma canne » (voir l’article du 3 mai 2010).

Article rédigé par Laurent Bastard. Merci :)

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2 Comments to “« PLUS DE BATON DE LONGUEUR » PAR L.-P. JOURNOLLEAU (1870)”

  1. Picard la fidelite dit :

    TCA
    je viens juste modestement apporter une petite information complementaire, une troisieme reedition de « l’INNOVATEUR » fut realisee pour le séminaire des Compagnons Boulangers et patissiers du Devoir, qui se déroula à La Rochelle les 11-12 avril 1999.
    Mes amities a tous.
    Picard la fidelite
    Compagnon Patissier reste fidele au Devoir

  2. [...] à travers leurs chansons notamment (dont le boulanger Journolleau, auteur de « Plus de bâton de longueur« , qui figure sur ce site à la date du 20 novembre [...]

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