Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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LA CANNE ENCHANTEE – 2

Chapitre II.

« Le seigneur du château était malade, en effet, mais le médecin était savant ; et celui-ci, heureux d’avoir tiré son riche client d’un mauvais pas, calculant d’avance tout l’honneur et le profit qui devaient lui en revenir, se préparait à repartir pour son village, dont les habitants réclamaient ses soins.
Comme tous les gens de sa profession, il avait une carriole. Neptune, son cheval noir, adroit et prudent, habitué à la route qu’il avait faite cent fois et qu’il savait par cœur, le dispensait de toute surveillance. Ménager de la vie de son maître, en même temps que de ses propres forces, ce vieux serviteur allait au pas sous le plus léger prétexte, soit qu’il fallût monter, soit qu’il fallût descendre. En un mot, c’était lui qui conduisait le docteur. Aussi ce dernier, plein de confiance, ne manquait jamais de s’endormir au dixième tour de roue.

Ce soir-là, comme à l’ordinaire, à peine sorti de l’avenue du manoir, sentant la carriole tourner dans le bon chemin avec une majestueuse lenteur, l’Esculape se laissa bercer, et rêva au bout d’un instant que l’ingrat châtelain, pour le récompenser de ses bons services, le précipitait du haut de la montagne.
Un cahot le réveilla ; il vit avec effroi que le songe était une réalité. Neptune, contrairement à ses principes, descendait la côte au triple galop. Sourd à la voix, insensible aux efforts de la guide, il allait comme le vent ; et, quittant la route quand elle formait une courbe, il tirait une ligne droite, entrant dans les fondrières, heurtant les arbres, escaladant les obstacles, et se dirigeant avec une rectitude mathématique vers une lueur qui brillait au loin.

Le malheureux docteur, après avoir déployé une vigueur surhumaine, après avoir imprimé aux guides d’effroyables secousses, au risque de les rompre, perdit tout espoir de retenir le cheval, et, trop prudent pour se jeter à bas de la voiture, il se résigna et ferma les yeux. En un moment les idées les plus lugubres traversèrent son esprit. Il pensa à Dieu, à sa famille, à tout ce qu’il allait laisser sur la terre. Il attendait le terrible choc qui devait le briser, quand tout d’un coup Neptune s’arrêta. »

Article rédigé par Laurent Bastard, merci :)

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