Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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LA CANNE ENCHANTEE – 1

Ce conte a été publié dans le magazine « La Semaine des enfants » n° 194 et 195 du 15 et du 22 septembre 1860, sous la rubrique « Contes, historiettes, drames ». Son auteur, Charles MAQUET, est bien oublié aujourd’hui. Il a aussi publié en 1864 « La passion de mon oncle : faiblesses d’un homme fort » et en 1866 « Voyages au pays bleu, contes fantastiques », ainsi que « Les orages de la vie ».
Compte tenu de sa longueur, nous le proposons aux lecteurs en plusieurs chapitres, avec les illustrations correspondantes.

Chapitre I.

Par une obscure soirée d’octobre, un voyageur passait sur une route déserte. Le corps drapé dans un vaste manteau, la chevelure livrée aux caprices du vent, il allait, les yeux fixés sur une lumière tremblante, seule étoile de cette nuit sombre, et qu’on voyait luire à une assez grande distance. Ses bottes poudreuses témoignaient d’un long voyage ; sa main droite était armée d’une canne noire.

Malgré la profondeur des ténèbres, le visage de cet homme resplendissait, pâle et transparent comme la nacre, au point de jeter une lueur vague sur tout ce qui l’entourait.
Son front pur annonçait la bonté ; ses yeux calmes et ses lèvres nettement dessinées, exprimaient à la fois la noblesse et l’énergie.

Quand il fut près de cette lumière qui avait attiré ses regards, il vit une cabane perdue dans la solitude. La porte en était close, mais, par un volet qu’on avait oublié de fermer, s’échappait un large rayon qui traçait en dehors, sur le milieu de la chaussée, un carré lumineux.
Il allait passer outre, quand à ses pieds, sur ce tapis d’or, vint se dessiner une silhouette. Il s’arrêta pour en suivre les mouvements.
Tantôt l’ombre se jetait à genoux, courbant le front jusqu’à terre, et semblait prier avec ferveur ; tantôt elle levait au ciel deux bras suppliants comme pour implorer le secours de la Providence.

L’étranger, vivement impressionné par ce spectacle et par la douleur qui se révélait à lui d’une façon si bizarre, , leva la tête, enveloppant d’un regard affectueux la maison tout entière. Puis il se dit : « Allons, encore une infortune ; cette fois réussirai-je ? »
Il appuya sur le loquet de la porte et entra.

L’habitant de cette demeure, vieux bûcheron de la forêt, fut à peine distrait de sa triste pantomime par l’arrivée du voyageur. Croyant que celui-ci, selon les usages du pays, venait lui demander l’hospitalité, il se contenta de lui indiquer du geste un tabouret et une table boiteuse sur laquelle se trouvaient un morceau de pain noir et une cruche d’eau ; puis il arpenta silencieusement la chambre, poussant du pied, de temps en temps, quelques morceaux de bois mort qui venaient rouler dans le foyer et ranimaient la flamme près de s’éteindre.
Mais l’étranger resta debout et lui dit : « Je suis l’ami de ceux qui souffrent. As-tu besoin de moi ? Parle, je suis puissant. »
Au lieu de répondre, le vieillard sanglota, étendant la main vers une seconde chambre que le voyageur n’avait pas aperçue.
Là, sur un lit blanc comme la neige, une jeune fille d’une incomparable beauté semblait avoir cessé de vivre.
Le nouveau venu s’avança vers cette image de la mort et se pencha sur elle. Tout d’un coup il ouvrit la fenêtre en s’écriant : « De l’air ! de l’air ! elle respire.
- Ma fille ! Elle respire ! dit le vieillard se précipitant à son tour.
- Du calme, ajouta l’étranger ; ne l’effrayons pas. »
En effet, grâce au vent frais qui pénétrait dans la chambre, la malade, semblant sortir d’un long sommeil, ouvrit les yeux, et promena autour d’elle un regard étonné. Le bûcheron la contemplait avec amour.

Peu à peu les couleurs reparurent sur ce jeune visage, et l’étranger put demander l’explication du drame auquel il venait d’assister. Le vieillard la donna en peu de mots. Georgette, à l’heure du souper, sans cause apparente, s’était soudain évanouie. Le père, privé de tout secours, ne pouvant compter sur l’aide du médecin, qu’il savait absent du pays, avait essayé de la ranimer, mais, n’y pouvant réussir, il avait perdu la tête jusqu’à l’arrivée du voyageur.
« Allons, dit celui-ci, j’ai bien fait d’entrer. Mais ce docteur, où est-il ?
- Au faite de la montagne qu’on voit d’ici quand il fait jour. Il est retenu dans un château dont le seigneur est gravement malade. Il faut deux heures pour s’y rendre, autant pour en revenir.
- Voyons, dans quelle direction est ce château ? à droite ou à gauche ?
- Juste en face de nous. Mais vous ne songez pas à y aller, j’imagine ?
- Non, mais à faire venir le médecin. J’ai besoin d’être rassuré sur la santé de ta fille. »

En disant ces mots, l’étranger se mit à la fenêtre, dirigea un bout de sa canne vers la montagne, en appliqua l’autre extrémité à ses lèvres, et on entendit un sifflement lugubre comme celui du vent dans les longues nuits d’hiver.

(A suivre…)

Article rédigé par Laurent Bastard, merci :)

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