Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
Bibliothèque de ressources historiques, culturelles, artistiques, litteraires, sportives…sur la canne et le bâton, en France et dans le monde…
LA CANNE A DARD – 2

La canne à dard n’a pas servi qu’à l’agression ni au suicide. Elle constituait aussi une arme défensive. Voici une anecdote relative au père d’Alexandre DUMAS, aussi prénommé Alexandre (1762-1807), qui fut un illustre général des armées révolutionnaires et bonapartistes. Après de hauts faits d’armes en Italie et en Egypte, il fit escale à Naples et y fut fait prisonnier. « Dix hommes entrèrent dans son cachot pour l’assassiner. Dumas, saisissant sa canne à dard, menaça de mort le premier qui l’approcherait, et de la vengeance de Bonaparte ceux qui oseraient attenter à ses jours. Son regard et sa voix avaient produit leur effet sur les dix brigands ; ils s’enfuirent épouvantés. » (Biographie universelle et portative des contemporains (1836).

En 1842 eut lieu une retentissante affaire, qui alimenta durant plusieurs mois la chronique judiciaire en raison du rang social des personnes en cause. La revue « L’Illustration » du samedi 4 mars 1843 rapporte qu’en novembre de l’année précédente, M. Caumartin, avocat parisien, se rendit à Bruxelles pour y rencontrer Melle Catinka Heinfeller, artiste de l’Académie royale de musique. Celle-ci donnait un concert et Caumartin décide d’attendre son retour chez elle. Lorsqu’elle revient, elle est accompagnée d’amis qu’elle a invités à dîner. Caumartin refuse de se joindre aux convives et reste à maugréer dans un coin de la pièce. A minuit, au salon, il ne reste plus que l’avocat, un nommé Sirey, fils d’un célèbre juriste, et son ami Lavilette. Sirey prie vivement Caumartin de quitter les lieux et une violente altercation s’ensuit, au cours de laquelle Sirey est giflé. « Alors M. Sirey, s’armant de sa canne, en appliqua plusieurs coups tellement violents à M. Caumartin, que le sang jaillit en diverses places », puis l’avocat se réfugia dans la chambre de l’artiste. Sirey le poursuit, s’arme d’un couteau, blesse Caumartin ; alors ce dernier « saisit sa canne, qu’il avait déposée en entrant au coin de la cheminée, et il essaya de parer les nouveaux coups que cherchait à lui porter son adversaire. Malheureusement cette canne était une canne à dard. M. Sirey en saisit l’extrémité inférieure, c’est-à-dire le fourreau, qui resta entre ses mains et se précipita imprudemment sur son adversaire, armé malgré lui d’un poignard. Avant que M. Caumartin eût le temps de retirer sa main, M. Sirey s’enferra lui-même et tomba entre les bras de M. de Lavilette son ami, en disant : « Je suis blessé. » Quelques secondes après, il rendait le dernier soupir. »
Caumartin partit chercher un médecin, puis s’enfuit en Hollande, et regagna Paris où il se tint à la disposition de la justice.

« L’Illustration » nous fournit une brève description de la canne à dard qui provoqua la mort de Sirey : « La canne est en bambou, surmontée d’une figure chinoise ; elle est cassée à la partie inférieure ; la lame a de 31 à 32 centimètres de longueur. »

Terminons sur une dernière information rapportée par « L’Ami de la religion » du 5 mars 1850, p. 262. On y apprend que « Depuis quelque temps la police avait été prévenue que des commandes considérables de cannes prohibées, dites cannes à dard, étaient faites. Elle crut donc se livrer à des perquisitions minutieuses chez les fabricants soupçonnés de faire ces livraisons ; ses efforts n’ont pas tardé à être couronnés du plus grand succès. En effet, hier matin, à cinq heures, la police opérait la saisie de plus de vingt douzaines de ces cannes chez un marchand de la rue Grenétat.
Presque à la même heure, une saisie de trente douzaines de cannes-épées étaient faites chez un autre fabricant de la rue Aumaire, précédemment condamné pour un délit semblable. Ces deux fabricants ont été conduits à la préfecture de police et les cannes saisies déposées au greffe du Palais de Justice. »

On était en 1850. Louis-Napoléon Bonaparte était le président de la Seconde République et, ami de l’ordre, il se méfiait des conspirations. Un peu plus d’un an et demi plus tard, il renversera la république lors du coup d’Etat du 2 décembre 1851. Les cannes à dard furent soigneusement rangées au fond des placards…

Article rédigé par Laurent Bastard, merci :)

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