Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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LE BATON DE DOMPTEUR

Cette image de la fin du XIXe siècle, destinée aux enfants des parents qui achetaient au magasin de vêtements « Au souvenir de Béranger », à Rive-de-Gier (Loire), nous conduit à évoquer le bâton employé par les dresseurs d’animaux de cirque.

L’image nous montre deux enfants jouant. L’un, jouant le dompteur, lève son bâton ; l’autre, dissimulé sous une peau de tigre, joue le fauve obéissant.

Le bâton de dompteur est non seulement un symbole mais un instrument réel d’autorité de l’homme sur l’animal. Avec le fouet, le bâton permet de contraindre l’animal à adopter des gestes qui ne sont pas innés mais qui plaisent au public. Il en admire davantage la puissance de l’homme sur la nature sauvage.

Le célèbre dompteur Alfred COURT (1883-1977) a publié le récit de sa vie en 1953 sous le titre « La cage aux fauves ». Il justifie l’emploi de cet accessoire dans plusieurs passages et dit s’en être souvent servi pour se défendre : « En fait, le bâton et le fouet sont aussi nécessaires que la viande-récompense, que la voix douce et les caresses. (…) » Ailleurs, il raconte que son bâton fut malmené par un léopard, « Bankok, qui « une fois dressé, ne se rebella jamais plus et ne blessa personne. Aussi devint-il un « artiste » exceptionnel, chargeant et fonçant sur moi à chaque représentation, s’arrêtant debout sur ses pattes de derrière, la gueule ouverte, crocs menaçants, griffes dehors, mordant dans mon bâton et le brisant à chaque séance d’un coup de gueule. »

Alfred Court évoque aussi un bâton particulier, muni d’une vis pour présenter la viande aux fauves : « A travers la grille, je remplis de viande ma sacoche, un petit sac de cuir de quinze centimètres de long sur cinq de large, que j’avais attaché autour de ma taille avec une solide ceinture. Puis, je pris mon bâton-canne en chêne de deux centimètres de diamètre, long d’un mètre vingt, au bout duquel était fixée une vis mince, dont la tête n’était pas entièrement enlevée, de façon à ne jamais blesser un animal.

Au bout de cette vis, je piquai un morceau de viande de la grosseur d’une orange et, m’approchant de mes tigres, j’essayais de leur donner à manger. Maouzi, le plus doux, goba son bout de viande au premier essai. Prince et Radjah, plus méfiants, jetèrent viande et canne en l’air, d’un coup de patte. Après un quart d’heure de patience, tous deux acceptèrent leur morceau de viande. Quant à Brahma, craintive et sauvage, je ne pus ce jour-là l’approcher suffisamment pour essayer de la nourrir à la canne. »

Ailleurs encore, A. Court relate son entretien avec Goebbels, ministre de la propagande de l’Allemagne nazie, qui a son idée sur les méthodes « humaines » de dressage. C’était à la fin des années 1930, après que le dompteur eut donné une représentation au Wintergarten un célèbre music-hall de Berlin. Goebbels : « C’est un numéro sensationnel, mais ce que je reproche à Court, c’est d’être trop brutal avec ses animaux. Les dompteurs allemands se montrent beaucoup plus doux (…) J’ai vu, chez Sarrassani, un de nos dompteurs, Havemann, qui travaille sans fouet, avec une simple canne. Ne pouvez-vous pas faire de même ? Il me semble que ce serait plus humain ? ». Alfred Court lui répond alors qu’on ne peut faire ainsi qu’avec une seule espèce d’animal en cage, et non si plusieurs sont mélangées. Et aussitôt le ministre du Reich en tire argument pour justifier la politique de la race unique en Allemagne !

En fait, la captivité des animaux de cirque et les méthodes brutales de dressage sont aujourd’hui dénoncées par beaucoup d’associations. Elles s’indignent des contraintes et des positions anormales infligées aux animaux, de leur stress, de leur mort prématurée. Elles révèlent que certains bâtons, tel l’ankus, soit en fait une pique pour se faire obéir des éléphants, mais qu’on en dissimule la pointe sous des fleurs ou des rubans pour ne pas choquer le public.

Triste bâton que celui-là…

Les deux photos sont extraites du livre d’Alfred COURT : « La Cage aux fauves », Paris, Editions de Paris, 1953.

Article rédigé par Laurent Bastard, merci :)

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