Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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UNE CANNE D’ « INDIEN » AU POMMEAU TORS


L’un de nos correspondants de Belgique nous a fait part de sa récente acquisition en nous demandant des informations sur sa canne. Celle-ci mesure 137 cm. Son fût est en jonc flexible (rotin de Malacca). Elle est pourvue d’un embout en laiton terminé par un gland en acier. Juste en-dessous du pas-de-vis qui supporte le pommeau se trouvent deux yeux en métal, ou oeilletons ou encore passants, où étaient enfilée autrefois une cordelière disparue. Le pommeau, enfin, est dévissable en deux parties (pomme et base, qui s’emboîte dans un tourillon monté sur le jonc. Il est en bois sombre et est pourvu de cannelures en torsades. La pastille placée jadis au sommet du pommeau a disparu.

Notre correspondant a assorti sa demande d’une série de photos très bien prises, qui permettent de comprendre comment sont assemblés les divers éléments de cette canne. Nous les reproduisons avec son autorisation (droits réservés CRCB), à l’exception de la photo d’ensemble de la canne, qui présente moins d’utilité sur le plan pédagogique et d’une autre de la pomme et de sa base dévissées.

Le pommeau tors est caractéristique de deux corps de compagnonnage : celui des charpentiers du Devoir de Liberté, aussi surnommés les « Indiens », et celui des tonneliers-foudriers du Devoir de Liberté.

Les premiers ont été fondés vers 1820, les seconds en 1830. Tous deux se disaient « enfants du grand roi Salomon ». Ils n’existent plus aujourd’hui : les charpentiers DDDL ont fusionné avec leurs rivaux, les compagnons passants du Devoir, en 1945 ; le dernier représentant de ce compagnonnage est mort dans sa centième année en 2013 ; les tonneliers-foudriers DDDL se sont fondus au sein de l’Union Compagnonnique après 1889, disparaissant en tant que société indépendante.

Leurs cannes étaient semblables au niveau du pommeau tors, mais la pastille qui l’ornait ne comportait pas les mêmes emblèmes ni les mêmes devises en initiales. Les plus anciennes pastilles étaient en os ou en ivoire (ce n’est pas toujours facile à distinguer) ; après 1870, mais sans que ce soit une généralité, elles ont été remplacées par des pastilles en argent ou en alliage (maillechort).

Dans les deux passants était glissé une longue cordelière de soie noire à filets verts (pour les Indiens) ou de soie bleue et blanche, pour les tonneliers-foudriers, afin de rappeler la teinte de leurs « couleurs » ou écharpes. Les deux bouts de la cordelière étaient ensuite entrecroisés à quelques centimètres du début de l’embout. Elle se terminait par deux pompons ou « glands » à longs fils de soie.

Faute de pastille et de cordelière, il est difficile d’attribuer cette canne à une société plus qu’à une autre. Nous penchons pour une canne d’Indien, mais sans certitude.

Les photos nous montrent bien le mode d’assemblage des divers éléments. La facture simple de la canne, les entailles bien marquées des cannelures du pommeau, la finition un peu rustique, permettent d’avancer qu’elle est antérieure à 1870, mais avec une marge d’erreur. Il est en tout certain qu’elle ne provient pas du fabricant lyonnais Auguste Proud (qui débute son activité en 1901), car il estampillait ses cannes.

Merci à M. J.P. , de Namur, de sa contribution au Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton.
(et à L. Bastard :)

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2 Comments to “UNE CANNE D’ « INDIEN » AU POMMEAU TORS”

  1. rodolpe dit :

    Je crois pouvoir vous assurer de ce que la fondation des Indiens (Compagnon Charpentier Du Devoir de Liberté) date de 1804 et non 1820 comme vous l’écrivez.

  2. Laurent BASTARD dit :

    Bien sûr, je sais très bien que c’est à la date du 16 floréal an XII (6 mai 1804) que les compagnons charpentiers du Devoir de Liberté (ou Indiens) faisaient remonter leur fondation. Mais à cette date, ils se disaient « Renards de Liberté » et demeuraient actifs seulement à Paris et en région parisienne.

    Ce n’est qu’autour des années 1820, peut-être en 1824 selon certaines sources, qu’ils ont pris la dénomination de « compagnons charpentiers du Devoir de Liberté » en se dotant d’un légendaire, de rites et de symboles dont une bonne partie est empruntée à la franc-maçonnerie de rite égyptien (Misraïm). Leur « grand livre » a antidaté leur fondation d’une vingtaine d’années, en considérant qu’ils étaient déjà fondés en compagnonnage dès 1804.

    Ils ne connaissent leur essor qu’à partir de 1834, lorsqu’ils investissent Auxerre à la faveur d’une grève de leurs rivaux, les compagnons passants charpentiers (rite de Soubise). Puis ils s’implantent à Lyon, Marseille, Cognac, Grenoble, Nantes, Tours, Montpellier, Toulouse, Bordeaux… (liste énoncée sans chronologie de fondation).

    Sur ce point voir le tome 10 des Fragments d’histoire du Compagnonnage, conférence sur les sociétés dissidentes, p. 30-31 et le tome 11, conférence sur les sociétés du Devoir de Liberté, p. 216.

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