Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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UN COMBAT MEURTRIER AU BATON A VALENCIENNES (1455)

L’Histoire des Ducs de Bourgogne de la maison de Valois (1453-1467), par M. de BARANTE, tome V, p. 35-36 (1858), rapporte un violent duel au bâton survenu à Valenciennes en 1455. Les combattants n’étant pas nobles, c’est avec cette arme et non avec l’épée, qu’ils s’affrontèrent lors de ce duel judiciaire.

D’autres détails intéressants nous montrent le formalisme de ce combat. (sur ce type de duel, se reporter à l’article du 16 avril 2010 en rubrique Canne et bâton dans l’Histoire : Le combat judiciaire au bâton).

« Un nommé Mahiot Coquel, tailleur à Tournay, avait assassiné un homme, puis s’était réfugié à Valenciennes, qui, d’après des chartes impériales, était un lieu de franchise ; car la ville, ou du moins un de ses quartiers, était terre d’Empire.
Un parent du mort, nommé Jacotin Plouvier, de Valenciennes, trouva Mahiot en pleine rue et lui dit : « Traître, tu as méchamment mis à mort mon parent ; prends garde à moi ; car avant peu je vengerai sa mort. » Mahiot s’en alla aussitôt trouver les magistrats de la ville et leur dit : « Vous m’avez reçu dans votre franchise afin que j’y sois en sûreté de mon corps, et nonobstant Jacques Plouvier est venu m’outrager et me menacer. Je vous requiers de m’accorder aide et me conseiller ce que je dois faire. »

Le prévôt va donc voir Plouvier qui persiste et « sans s’émouvoir, jeta un gage de bataille devant Coquel, qui, malgré ses excuses, fut contraint de le relever. On les envoya chacun dans une prison séparée, et on leur donna à tous deux un maître de combat pour leur enseigner la façon de se battre. (…) »
Le duc de Bourgogne s’en vint assister au duel. « La lice n’était point construite comme pour une joute ; elle était ronde et n’avait qu’une seule entrée. Le prévôt de la ville et le prévôt du comte de Hainaut étaient juges du champ clos ; le Duc n’était là que comme spectateur. Au milieu de la lice on avait placé, en face l’une de l’autre, deux chaises couvertes de drap noir. Les deux champions furent amenés ; ils avaient la tête rasée ; un vêtement de cuir, lacé et étroit, leur couvrait tout le corps, en laissant les jambes et les bras nus.

Chacun fut assis sur sa chaise : on apporta les Evangiles pour leur faire prêter serment. Puis ils graissèrent leurs corsets de cuir pour ne pas laisser prise, se frottèrent les main avec de la cendre afin que l’arme ne glissât point dans leurs poings, et mirent un morceau de sucre dans leur bouche, de peur que la chaleur ne leur desséchât le gosier.

Ils furent ensuite armés de bâtons noueux, parfaitement égaux en longueur et en poids, et de deux écus peints en rouge ; mais ils devaient les porter la pointe en haut, pour marquer qu’ils n’étaient point gens nobles.
Dès que le signal fut donné, Mahiot Coquel, qui était moins grand et moins fort que son adversaire, se baissa, ramassa une poignée de sable et la lui jeta aux yeux. Jacotin fut un instant troublé et reçut un grand coup de bâton dans le visage ; mais reprenant aussitôt courage, il se jeta sur Mahiot, le prit à bras-le-corps, le renversa par terre, lui appuya le genou sur l’estomac, lui enfonça, à la grande horreur des assistants, son bâton dans les yeux, puis l’assomma roide mort.
Mahiot fut plaint dans la ville, car c’était à lui que le peuple prenait intérêt, disant qu’il était champion des privilèges de Valenciennes. Quoi qu’il en fût, on le traîna hors de la lice, et son corps fut attaché à la potence.

Tout ce combat parut une chose trop ignoble à la cour de Bourgogne. Pour effacer en quelque sorte la honte d’un lieu où le Duc avait été rendu témoin d’un si vilain meurtre, deux gentilshommes, qui avaient eu querelle, résolurent quelque temps après de combattre sous ses yeux dans cette même place de Valenciennes, ce qu’ils firent avec courtoisie et noblesse.

Article rédigé par Laurent Bastard. Merci.

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