Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
Bibliothèque de ressources historiques, culturelles, artistiques, litteraires, sportives…sur la canne et le bâton, en France et dans le monde…
GAVARNI, UN PASSIONNE DE CANNES


Le peintre et dessinateur GAVARNI (1804-1866) est l’auteur de nombreuses lithographies montrant des personnages tenant une canne. Nous en avons présenté cinq en juillet-août 2010 (voir en rubrique « Canne et bâton dans l’art »). En voici six autres, extraites du « Tiroir du Diable » (1845).

1) Dans la série « Revenus d’ailleurs », Gavarni donne la parole à des personnages modestes qui prétendent avoir accompli de hauts faits ou côtoyé autrefois les grands de ce monde. La lithographie nous montre un gros menuisier, revêtu de son tablier, une scie sous le bras et un bâton à la main, qui dit : « Pour lors, un jour, d’Albuféra me dit : mon cher… »
Albuféra est une ville d’Espagne où l’armée napoléonienne conduite par Suchet remporta une victoire. Le maréchal Louis Suchet (1770-1826) fut fait duc d’Albufera.

2) Dans la série « L’argent », Gavarni croque un personnage coiffé d’un bonnet et d’un chapeau par dessus, en blouse, appuyé sur une baguette. La litho est titrée : « Un lion de la Vallée (marché aux volailles) ». C’est l’image satirique d’un prosaïque marchand de volailles qualifié de « lion », c’est-à-dire d’un romantique.

3) Dans la série « Philosophes », Gavarni représente un personnage aux cheveux hirsutes, coiffé d’un chapeau, revêtu d’une blouse informe, qui tient une baguette menaçante derrière son dos et qui « Désire faire l’éducation d’un jeune homme de bonne famille ». On retrouve l’ironie de l’artiste qui prête à ses personnages des ambitions auxquelles ils ne peuvent prétendre.

4) La série « Existences problématiques » est illustrée par un individu à la mine peu avenante, qui fait un pas en tenant un bâton. Titre : « Mauvaise rencontre ». C’est le thème du bandit qui attend sa victime au coin de la rue (voir l’article Le bâton de l’escarpe vu par Bertall en 1845).

5) La série « Artistes » est illustrée par l’image d’un monsieur bien mis, en gilet et redingote, chapeau et canne à la main. Elle est intitulée : « Fait la miniature et va dans le monde ». Les peintres sur miniature étaient encore nombreux au XIXe siècle, pour peindre des portraits sur des médaillons et de petits tableaux.

6) Dans la même série, Gavarni légende avec un jeu de mots sa litho où l’on voit un artiste aux longs cheveux et chapeau à larges bords, redingote et gilets noirs, qui s’avance en s’appuyant sur une canne, suivi d’un jeune garçon en manteau et chapeau, un livre ou un recueil d’oeuvres sous le bras. Titre : « Un Maître et demi », ce qui ne manque pas d’humour.

Nombreuses sont donc les oeuvres de Gavarni où des personnages tiennent une canne ou un bâton. Même si l’accessoire était courant de son temps, on peut se demander s’il n’en a pas fait un élément quasi-systématique de ses types.
On ajoutera que l’artiste s’intéressait de très près au jeu de canne et de bâton, si en vogue de son temps.
Charles YRIARTE, dans ses « Etudes sur Gavarni » (1869), p. 53-54, nous apprend que Gavarni a laissé d’autres travaux que ses dessins :
« Deux cahiers volumineux, reliés et écrits de sa fine et élégante écriture, dont l’un forme, écrites au jour le jour, une suite de maximes (…), l’autre une série d’observations, de notes mêlées d’équations, de formules algébriques, de signes mathématiques appliqués à l’art de la canne et de la savate. Son ingénieux esprit embrassant les choses les plus hétérogènes, il en était arrivé, dans ce cours de canne dessiné, à inventer une mécanique en bois qui pourrait, comme un mannequin de peintre, se prêter à tous les mouvements possibles, une sorte d’automate professeur. C’était là des ingéniosités perdues pour tout autre que lui, le délassement d’un esprit préoccupé des lois du mouvement. »
Qu’est devenu ce cahier et ce cours de canne dessiné, qui devait être extrêmement intéressant ? Avis aux lecteurs !
L’intérêt de Gavarni pour la canne est confirmé par les frères Goncourt dans « Gavarni, l’homme et l’oeuvre » (1873), p. 192 : « Dans une série intitulée l’Eloquence de la chair, on rencontre des planches représentant des leçons de bâton et de savate. Scènes intéressantes, qui sont la révélation d’un des goûts de cette génération de 1830. »
Quelqu’un sait-il où sont conservées ces estampes représentant des leçons de canne et de bâton ?

Article rédigé par Laurent Bastard. Merci :)

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