Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
Bibliothèque de ressources historiques, culturelles, artistiques, litteraires, sportives…sur la canne et le bâton, en France et dans le monde…
QUAND CHARLEMONT FILS DEFENDAIT LA BOXE FRANCAISE – 1

Dans un précédent article (La canne dans La Vie au grand air – 1906) nous avons signalé que le succès du jiu-jitsu comme technique d’auto-défense avait suscité de vigoureuses réactions de la part des adeptes de la canne et du bâton. C’est que le 20 octobre 1905, à Paris, un nommé Ernest REGNIER – dit Ré-Nié – avait défié le maîtres d’armes et de boxe Georges DUBOIS, et l’avait terrassé en un temps record. Le jiu-jitsu était devenu à la mode, alors que sa pratique en Europe ne remontait qu’à quelques années et était encore confidentielle. La boxe française, la canne et le bâton allaient-ils être injustement détrônés au profit d’une technique de « jaunes » et d’importation récente ?

Les magazines qui les soutenaient s’empressèrent de publier les avis des spécialistes des arts traditionnels de notre pays. Bien qu’il ne s’agisse pas ici d’un plaidoyer en faveur de la canne mais de la boxe française, nous avons jugé intéressant de sortir pour une fois de la thématique du CRCB et de reproduire l’article publié en janvier 1906 dans la revue « Lectures pour tous » sous le titre « Jiu-jitsu ou boxe française ». L’auteur avait donné la parole à Charlemont fils, le spécialiste de la boxe française, et à Ré-Nié, chacun exposant les avantages de sa méthode.
Nous ne donnons que l’exposé de Charlemont, car il est, de par la personnalité de son auteur et l’histoire de la boxe française, connexe en quelque sorte aux arguments développés dans « La Vie au grand air » en faveur de la canne et du bâton.

« JIU-JITSU OU BOXE FRANCAISE ?

Vous êtes attaqué, la nuit, dans une rue déserte. Quel moyen de défense allez-vous employer : boxe ou jiu-jitsu ? La question se pose depuis le récent match où le jiu-jitsu – boxe japonaise – a triomphé de la boxe française. Celle-ci prendra-t-elle sa revanche, et n’a-t-elle subi qu’un échec accidentel ? L’avenir nous le dira. Mais ce qu’on peut dès à présent savoir, c’est en quoi diffèrent les deux méthodes, et quels sont les avantages de chacune d’elles. On va l’apprendre de la bouche même de leurs représentants les plus autorisés, les professeurs Charlemont fils et Ré-Nié, dont nous publions ici la double interview.

On ne parle que du jiu-jitsu. Ces Japonais ont toutes les chances : après que leurs armées ont été victorieuses sur les champs de bataille, voici maintenant qu’un de leurs champions vient de l’emporter dans une lutte relativement modeste : un match de boxe. Est-ce là un cas isolé ? Est-ce le triomphe d’une méthode ? Le monde sportif est en émoi.
Mais d’abord, savez-vous ce que c’est que le jiu-jitsu ? En quoi consiste-t-il, et par quoi diffère-t-il de la boxe traditionnelle ?… Le meilleur moyen d’être renseignés était d’aller le demander aux maîtres en la matière.

Notre première visite devait être pour le représentant de la boxe française, le professeur Charlemont fils.
Cinq heures du soir. La salle est en pleine effervescence. Agiles et vigoureux, des boxeurs de tout âge, même des enfants, raidissent leurs muscles en des mouvements vifs et rythmiques. Des pieds légers chaussés de sandales glissent sur le parquet, des poings s’allongent dans une détente vigoureuse.
Voici le professeur Charlemont, silhouette élégante de sportsman ; de stature moyenne, blond, cheveux en brosse, courte moustache. Il se dégante, et une main fine, nerveuse, s’offre dans un souhait de bienvenue.

LA PAROLE EST A L’AVOCAT DE LA BOXE FRANCAISE

« Vous voulez des renseignements sur la boxe française ?… Vous ne pouvez mieux vous adresser. Mon père en a établi la méthode que j’ai rajeunie et perfectionnée. Les moniteurs de l’école militaire de Joinville viennent ici compléter leur éducation. Qu’est-ce que vous désirez savoir ?
- Pour commencer, dites-moi en quoi la boxe française se distingue de l’anglaise.
- C’est bien simple. La boxe française fait agir les bras et les jambes, d’où sa supériorité sur la boxe anglaise qui n’emploie que les bras. En outre, la boxe française, vive, adroite, n’est jamais brutale comme l’anglaise. C’est pourquoi elle est le sport le plus hygiénique, mettant en mouvement tous les muscles.
Vers l’âge de treize ans, la plupart des enfants commencent à subir une déformation : les mauvaises positions prises pour écrire ont une influence sur la direction de la colonne vertébrale. Croyez-moi, pour les redresser rien ne vaut mieux que la pratique de la boxe.
Des hommes déformés par la graisse, des adolescents minés par la neurasthénie ont recours à la boxe française pour se guérir. En 16 jours de travail, j’ai constaté, chez un obèse, une diminution de 2 kil. 250, en trois semaines, une perte de 3 kilos inutiles, avec un amincissement de 3 centimètres à la ceinture. Après cela, inutile d’insister sur les effets salutaires de la boxe française. »

Légendes des illustrations « Une démonstration de la boxe française chez le professeur Charlemont ».
1 : Pour étourdir et faire choir un agresseur. 1° Coup de poing de figure sur le côté du menton.
2 : En plein visage.
3° Coup d’arrêt chassé au-dessus de la ceinture.
4° Coup de hanche pour faire basculer l’adversaire dans le corps à corps.
5° Chassé-croisé sur jambe.
6° Coup de pied bas sur le tibia pour arrêter l’élan de l’agresseur.

(A suivre…)

Article rédigé par Laurent Bastard, merci :)

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