Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
Bibliothèque de ressources historiques, culturelles, artistiques, litteraires, sportives…sur la canne et le bâton, en France et dans le monde…
LE BATONNET-TENDEUR DU CORDONNIER
Categories: Bâton comme outil

Lorsqu’un bâton ne dépasse pas trente à quarante centimètres environ, il devient un petit bâton ou un bâtonnet, et si sa section est petite, il devient une baguette. Sur ce blog ont été évoqués d’autres de ces bâtons nains, tels les baguettes de tambour, celles à saisir les aliments, à inscrire une dette, ou le bâton de gantier, celui à faire mousser le chocolat, à filer, à prédire la météo… Et c’est pourquoi nous dirons quelques mots du bâtonnet-tendeur » (avec ou sans trait d’union).

Il s’agit d’un accessoire (ou outil, ou instrument ?) utilisé par les cordonniers et les fabricants de chaussures qui paraît ne s’être répandu qu’à la fin du XIXe siècle. Il est en bois et sert à la présentation des chaussures en magasin ou avant remise au client. Introduit dans la chaussure, du bout jusqu’au talon, sa fonction est analogue à celle des boulettes de papier de soie froissées qui maintiennent la forme du cuir et empêchent les plis et déformations. Il en existe pour toutes les pointures. L’une des publicités Crouet illustrant cet article (1912) montre que le bâtonnet devait être flexible puisqu’il s’arque entre les deux extrémités de la chaussure, sa partie bombée supportant l’empeigne. Mais celle de 1932 indique que le bâtonnet « ne plie pas ». Peut-être existait-il des modèles différents ?

Cet article est toujours vendu par les commerces d’accessoires pour selliers, maroquiniers et fabricants de chaussures. Le site sovefac.com, en rubrique « Accessoires et outils », nous en présente trois modèles avec photos : l’un de couleur blanche, en cinq longueurs (19, 20, 21, 22 et 23 cm), un deuxième en matière plus rigide, type « super », en blanc aussi mais en trois longueurs (21, 22 et 23 cm) et un dernier, de couleur noire, de 19 à 23 cm.

Quant on feuillette l’Annuaire de la chaussure et des cuirs de Louis JOHANNET (année 1932), on est surpris de découvrir que ce modeste accessoire était fabriqué ou vendu par 11 entreprises : R. Boulanger, à Villers-Cotterets (Aisne), Henri Chapuis, à Thonon (Haute-Savoie), Paul Crouet, à Saint-Just-en-Chaussée (Oise), A. Beyer, 41, rue Petit, à Paris (Seine), J. Ganné, 1, rue Oberkampf, à Paris (Seine), A. Jocteur, 23, rue Bouvet, à Romans (Drôme), H.G. Pétersen, 5 bis, rue de Villiers, à Saint-Maur-des-Fossés (Seine), Prohet, Charrel et Villard, route de Génissieux, à Romans (Drôme), A. Strittmatter, 211, avenue Gambetta, à Paris (Seine), Ed. Vaux, 2, rue de Chelles, à Montfermeil (Seine-et-Oise) et l’Union Parisienne du Bois, à Verberie (Oise).

Il semble même que l’emploi de cet accessoire se soit développé en vingt ans, puisque le même annuaire, mais dans son édition de 1912, n’indique que deux fabricants ou vendeurs : Amat-Chantoux (B. et C.), 59, rue Bichat, à Paris (Seine) et Paul Crouet, à Saint-Just-en-Chaussée (Oise).

Quant à l’Annuaire des cuirs et peaux, de Camille ROUSSET, son édition de 1938 mentionne aussi Strittmatter, à Paris, Lucien Charrel et Jocteur, à Romans ainsi que Vaux, à Montfermeil, mais donne les noms d’autres fabricants : Baudet, Donon et Dalberto, 17, faubourg du Temple, à Paris (Seine), avec une usine à Saint-Rémy-en-Bouzemont (Marne), Geo Leighton, qui en vendait sous la marque « Satan Boot », 7, rue de Thorel, à Paris (Seine), avec une usine à Garches (Seine-et-Oise), les Ets R. Lacarrière, à Hermes (Oise), Etienne Kieffer, 31, rue du Foulon, à Haguenau (Bas-Rhin).

Plusieurs de ces fabricants sont mentionnés comme fournisseurs d’autres accessoires en bois pour la chaussure, tels que des embauchoirs, des formes, des billots en orme, des caisses d’emballage…

Pour être complet, on relèvera que l’Annuaire Camille Rousset traduit en quatre langues le mot « bâtonnet » : stick hangers (anglais), spannstöcke (allemand), bastones-estendedores (espagnol) et bastoni-tenditori (italien).

Un mot aussi sur les annonces commerciales illustrant cet article. Celle de Paul Crouet, en 1912, qui vend ses bâtonnets sous la marque « L’indispensable », mentionne des modèles « ronds, plats et carrés » et nous montre, en coupe transversale, comment était placé l’accessoire dans la chaussure.

En 1932, son annonce occupe une page entière et nous indique que cette maison a été fondée en 1891. Elle précise que « Le Bâtonnet Tendeur « L’indispensable » est rigide, ne plie pas, ne casse pas, ne déchire pas les doublures, ses bouts sont arrondis, il économise du temps. Existant dans toutes les pointures, il est élégant grâce à son fini irréprochable. Il est indispensable pour obtenir une représentation parfaite de vos chaussures, en leur conservant leur ligne impeccable. »

Qui eût cru qu’un si petit morceau de bois aurait pu donner lieu à la rédaction d’un article aussi long ?

Article rédigé par Laurent Bastard. Merci :)

Leave a Reply