Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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QUAND LA POLICE CHERCHAIT DES CANNES NAPOLEONIENNES (1822)

La chute du premier Empire fut applaudie des uns et regrettée des autres. Ces derniers conservèrent longtemps la nostalgie de l’Empereur glorieux et entretinrent son souvenir bien après sa mort. Mais sous la Restauration, il était dangereux de manifester cette nostalgie, même en confectionnant des cannes à l’effigie de Napoléon. Nous avons déjà donné des témoignages de cette ferveur politique dans les articles Jeux d’ombre des pommeaux de cannes politiques (3-2-2010) et Napoléon révélé par une pomme de canne (25-3-2012).

Sur le même sujet, voici ce que rapporte FROMENT dans « La Police dévoilée » (1829), texte qui fut repris par Auguste VERMOREL dans « Les Mystères de la police, IIIe partie : La police contemporaine » (1864 et 1867).

« M. LAFORGE. CANNES, AVEC L’EFFIGIE DE BONAPARTE.

En 1822, le préfet de police reçut un rapport qui lui annonçait qu’on fabriquait dans Paris des cannes dont la pomme portait l’effigie de Bonaparte.
L’agent Chignard fut chargé de découvrir les fabricants. Il parcourut tout Paris, et comme il n’en trouvait point, ce qui n’est pas extraordinaire, car il était l’auteur du rapport et le créateur du délit, il crut qu’il était plus expédient de les commander lui-même. Alors, prenant le nom de Jackson, Américain, il se présenta chez M. Laforge, fabricant de cannes, rue Saint-Martin, numéro 177, maison du boucher.

Il lui fit une très forte commande en donnant une fausse adresse, et eut soin de prendre un échantillon des cannes. On parut satisfait à la Préfecture des moyens employés par Chignard et des renseignements qu’il donna.

M. Laforge chercha, à ce qu’il paraît, l’adresse de l’Américain Jackson ; il ne la trouva pont ; il conçut des soupçons et refusa de fournir les cannes demandées.
Chignard, furieux d’avoir manqué son opération, et de voir que sa victime lui échappait, écrivit à M. Laforge la lettre ci-dessous.

Le portrait-charge de Vermorel est extrait du Dictionnaire de la Commune, de Bernard Noël (1971).

 » Paris, le 28 août 1822.
Je me suis rappelé que je ne vous avais pas payé les échantillons de cannes que vous m’avez laissés. D’après votre note, vous m’avez compté, savoir :
Pour les bambous tournés, 49 fr.
Faux rotins et faux bambous faits à la main : 59 fr.
Bambous noirs : 59 fr.
Faux rotins : 47 fr.
Vous m’avez ensuite rabattu 4 fr. par douzaine sur chacune d’elles. Vous m’avez laissé la somme de 15 fr. pour laquelle vous voudrez bien remettre un reçu au porteur.
Je suis fâché des frais que vous a occasionné ma commission ; mais je puis vous protester, sur mon honneur, que mes intentions ont toujours été de vous payer. Vous devez donc vous en prendre aux personnes qui vous ont dit du mal de moi.
Je n’ai point revu le juif ni le courtier qui vous firent mes commissions.
Je dois de l’argent à ce dernier, que je serais bien aise de payer avant mon départ.
Vous m’obligerez de m’envoyer son adresse pour que je puisse m’acquitter envers lui.
J’ai l’honneur de vous saluer.
Jackson. »

Nous n’avons rien changé à la lettre ; nous en donnons littéralement la copie. Quoique M. Laforge n’eût point accédé aux demandes insidieuses de Jackson-Chignard, la police n’en ordonna pas moins une perquisition et une saisie chez ce fabricant, et il ne put échapper au malheur d’avoir reçu chez lui cet être aussi vil que méprisable. »

Article rédigé par Laurent Bastard. Merci :)

1 Comment to “QUAND LA POLICE CHERCHAIT DES CANNES NAPOLEONIENNES (1822)”

  1. [...] Quand la police cherchait des cannes napoleoniennes [...]

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