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QUAND CHARLEMONT FILS DEFENDAIT LA BOXE FRANCAISE – 2

Voici la fin de l’article de janvier 1906 publié dans « Lectures pour tous », intitulé « Jiu-jitsu ou boxe française », où Charlemont fils, professeur de boxe française, énonce ses arguments en faveur de sa discipline.

« OU LES PLUS FAIBLES SONT LES PLUS FORTS.

« La boxe est donc un exercice hygiénique, mais qu’en pensez-vous comme moyen de défense ?
- Jugez vous-même. La boxe française permet à un homme de force médiocre de triompher d’un adversaire de vigueur athlétique, qui vous écraserait rien qu’en vous serrant dans ses bras.
Supposez un apache aux muscles énormes attaquant un de mes élèves, au moment où celui-ci rentre chez lui après le théâtre. L’apache aura beau ouvrir des mains larges à couvrir une chaise, le boxeur, souple, habitué par l’assaut à mesurer exactement les distances, échappe à la pression de ses tentacules, tournoie autour du colosse des boulevards extérieurs et lui décoche les bons coups de poing qui abattent un homme : pan ! dans la poitrine, au creux de l’estomac, puis, une retraite rapide, une volte à gauche, et, tandis que l’autre cherche le corps à corps où sûrement il serait le plus fort, étant le plus musclé et le plus lourd, pan ! un autre coup de poing bien allongé dans la figure, un coup de poing qui embrouille l’horizon dans ses yeux, et, pendant qu’il s’essuie la face, un vigoureux coup de pied dans la poitrine ou un sournois coup de pied bas qui lui brise une cheville, et l’homme s’affale.

- Mais si le boxeur est assailli par plusieurs individus ?
- Il devra séparer ses adversaires, de façon n’en combattre qu’un à la fois. Supposez des adversaires s’avançant en demi-cercle pour envelopper un homme isolé… Surtout qu’il n’aille pas s’adosser au mur ! c’est le meilleur moyen de paralyser ses efforts. Qu’il ne se jette pas non plus dans le centre du demi-cercle ! il serait aussitôt débordé par les ailes, entouré et frappé par derrière… Au contraire, il faut qu’il commence l’attaque par une des extrémités.
- Maître, objectai-je, quand vous levez la jambe pour allonger un coup de pied, n’est-il pas à craindre que l’adversaire ne saisisse cette jambe et ne vous fasse asseoir ?
- Ah ! vous êtes comme l’Anglais ?
- Quel Anglais ?
- Celui qui me posa cette question ici. Voulez-vous me saisir la jambe ?
- Non, merci, répondis-je, craignant quelque ruse de combat, je saisirai très bien la démonstration sans la jambe.
- L’Anglais a été moins prudent que vous. Il est parvenu à saisir ma jambe, il ne l’a pas gardée longtemps. J’ai replié les muscles, puis je les ai détendus, et mon Anglais a exécuté une pirouette. »

UNE NOUVEAUTE VIEILLE DE 300 ANS.

Il nous restait une question délicate à poser au professeur Charlemont : quelle est son opinion sur le jiu-jitsu, la boxe japonaise qui, ayant pour champion le professeur Régnier, dit Ré-Nié, triompha de la boxe française représentée par le professeur Dubois ?
« Ce que je pense de ce jiu-jitsu qu’on auréole en ce moment d’une si magnifique publicité ? C’est qu’il est depuis longtemps introduit en Europe. La preuve, la voici. »
Et M. Charlemont tire de sa bibliothèque un vieil album du XVIIe siècle, intitulé « L’Art de la Lutte », dont les gravures nous montrent tous les coups qui composent le jiu-jitsu.

Le professeur ajoute :
« Voulez-vous savoir d’un mot la grande infériorité du jiu-jitsu ? C’est que, pour le pratiquer, il faut arriver au corps à corps : les adversaires sont l’un sur l’autre ; or, pour appliquer ses coups, retourner le bras d’un adversaire, « désosser un ennemi », comme dit le professeur Ré-Nié, il est indispensable d’être le plus vigoureux. Je ne vois pas très bien un homme petit et léger mâtant au jiu-jitsu Paul Pons ou Apollon, ces colosses ! Comment, avec une main petite, enserrer le bras énorme d’un homme très développé ? A la boxe française, au contraire, le poing petit lutte sans infériorité contre le poing énorme. Le premier s’enfonce dans la peau comme une vrille, si le second tombe avec le poids du marteau.
« Je ne crains pas la concurrence du jiu-jitsu. On apprendra peut-être cet exercice par snobisme, mais pour se défendre on continuera à étudier la boxe française. »

Mais le professeur Charlemont n’était pas un devin. En réalité, le jiu-jitsu (ou ju-jitsu), le judo, le kendo et autres « arts martiaux » d’origine asiatique, ont connu depuis 1906 – et surtout à partir des années 1950 – une progression fulgurante. Aujourd’hui, le nombre de licenciés à la Fédération de savate ou boxe française serait d’environ 50 000 contre 525 000 environ à la Fédération Française de Judo, Jujitsu, Kendo et disciplines associées. La part de licenciés pour le seul jiu-jitsu n’est pas connue.

Légende des illustrations.
L’article de Lectures pour tous s’ouvre sur la photo de deux combattants, l’un terrassé par un autre qui l’étrangle selon une des prises du jiu-jitsu.
Les deux autres sont ainsi légendées : « L’art de se défendre en cas d’attaque nocturne. Comment on esquive un coup de couteau suivant qu’on pratique boxe française ou jiu-jitsu. Une « clé » savante au poignet, et le plus vigoureux rôdeur sera vite hors de combat. Le passant attaqué est-il au contraire un fervent de la boxe française, d’un coup de pied bien allongé il étendra son homme à terre. »

Article rédigé par Laurent Bastard, merci :)

1 Comment to “QUAND CHARLEMONT FILS DEFENDAIT LA BOXE FRANCAISE – 2”

  1. [...] par quelque Apache. On lira les arguments de Charlemont fils dans l’article en deux parties : Quand Charlemont fils défendait la boxe française. Voir aussi : La canne dans « La Vie au grand air » (1906) [...]

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