Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
Bibliothèque de ressources historiques, culturelles, artistiques, litteraires, sportives…sur la canne et le bâton, en France et dans le monde…
LA CANNE DES PAPES LEON XIII ET JEAN-PAUL II

Le règne de Léon XIII (1810-1903), pape de 1878 à 1903, fut l’un des plus longs de la papauté (25 ans), tout comme celui de Jean-Paul II (1920-2005), pape de 1978 à 2005 (27 ans). Tous deux, à la fin de leur vie, durent se servir d’une canne pour marcher. Mais ils n’usèrent pas de cet appui de la même façon.

Léon XIII fut un pape qui se voulait populaire et démocrate, auteur de la fameuse encyclique sociale « Rerum Novarum », où il expose les devoirs de l’Eglise envers le monde ouvrier paupérisé par la civilisation industrielle. Il se présentait comme un vieil homme sage et voulant pacifier les hommes à l’ère de la lutte des classes et de l’Internationale. Il sut user de son image pour se présenter comme un être humain, eut recours au cinéma naissant (ce fut le premier pape filmé), autorisa les reportages et les photos.

Comme le rappellent les auteurs de « La papauté et le nouvel ordre mondial (1878-1903) » publié aux Editions Viaene en 2005 (en ligne via Google livres) : « on vit apparaître les scènes médiatisées de la vie quotidienne d’un vieil homme charmant et attendrissant ». Ils citent l’abbé E. PAUWELS, dans la « Vie du pape Léon XIII », publié à Anvers en 1902, qui écrivit : « Dans ses promenades, le St Père porte un chapeau rouge à glands d’or, un manteau rouge et une canne d’osier à pommette d’or. »

Le magazine « Lectures pour tous, en avril 1899, publia un long article illustré de photos sous le titre « La journée de S.S. Léon XIII », où on le voyait assis, tenant sa canne ou marchant, appuyée sur elle.

Il est vraisemblable qu’il s’agit ici de la première représentation d’un pape porteur d’une canne profane, alors que toute l’iconographie antérieure nous montre des papes tenant des croix ou des crosses. La dignité de sa fonction n’en souffrit pas car tout le monde, de son temps, en portait une, aussi bien pour s’aider à marcher que pour faire montre d’élégance.

Il n’en était plus de même sous le pontificat de Jean-Paul II. La canne était passée de mode et seuls ceux qui ont désormais du mal à se déplacer et qui sont vieux, portent une canne. On comprend alors les réticences qu’éprouva Jean-Paul II lorsque, malade à la fin des années 1990, il dut se résoudre à en utiliser une. A l’inverse de son prédécesseur Léon XIII, qui s’en servit pour humaniser sa fonction auprès des populations, Jean-Paul II pensa que son image de pape fort, de « lutteur de Dieu », de pape sportif et courageux, était écornée.

Slawomir ODER et Saverio GAETA, dans « Le vrai Jean-Paul II : l’homme, le pape, le mystique » (Presses de la Renaissance, 2011, en ligne via Google livres) ont longuement évoqué ce que représentait pour lui l’obligation de se déplacer avec une canne, en rapportant des détails intéressants :

« Jean-Paul II affronte avec lucidité la détérioration progressive de son état de santé : « Mais vous croyez que je ne vois pas à la télévision comme je suis arrangé ? » dira-t-il à un proche collaborateur qui voulait le réconforter. Lorsqu’il est contraint d’utiliser une canne pour marcher, Jean-Paul II se sent un peu embarrassé. Il lui coûte beaucoup de se présenter en public avec ce signe évident de sa fragilité physique, à tel point qu’il prend l’habitude de laisser sa canne derrière la porte avant d’entrer dans la loge de la salle Paul VI pour les audiences. »
Mais il accepte rapidement son nouvel état avec sérénité, ainsi qu’il le montrera en faisant tournoyer gaiement sa canne devant des milliers de jeunes à la veille de la Journée mondiale de la jeunesse à Manille en janvier 1995.
Il use d’ailleurs de son habituel humour à diverses reprises pour tenter de dédramatiser la situation. Le 29 mars 1998, il improvise un discours : « Je voudrais vous demander : pourquoi le pape a-t-il une canne ? … Je pensais que vous diriez : parce qu’il est vieux ! Mais vous avez donné la bonne réponse : parce qu’il est « pasteur ». Le pasteur a une canne pour s’y appuyer, mais aussi pour remettre un peu d’ordre dans son troupeau de brebis. »
Et lors d’un voyage en Amérique latine, il dit en souriant à son voisin, un cardinal qui, victime d’un accident, marchait avec une canne : « Chère éminence, nous voici tous deux bastonnés ! ».

Comme on le voit, une simple canne revêt plus qu’une fonction utilitaire : elle est porteuse de sens, elle est l’emblème du pouvoir comme de la faiblesse et son image varie selon le contexte d’une époque.

Les deux premières photos illustrant cet article sont extraites de la revue « Lectures pour tous » d’avril 1899 sur « Une journée de S.S. Léon XIII » et celle du pape Jean-Paul II, arrivant à Orly et reçu par Jacques Chirac, pour les XIIe Journées Mondiales de la Jeunesse (21 août 1997), est une photo de Bruno Bachelet présente sur le site Gettyimages, que nous avons légèrement recadrée sur le pape et sa canne.

Article rédigé par Laurent Bastard, merci :)

Tags:

Leave a Reply