Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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LES CANNES DU COMPAGNON BRIS EN 1937

Nous avons vu précédemment qu’après la guerre de 1914-1918, il n’y avait plus qu’un seul fabricant de cannes pour les compagnons, en la personne d’Auguste Proud, charron, établi à Oullins (Rhône). Il avait bien du mal à fournir les intéressés et son activité s’était réduite après 1930. (Voir les articles Greffier et Proud, fabricants de cannes de compagnons et Les fabricants de cannes compagnonniques au XIXe siècle)
Un autre compagnon, un forgeron-mécanicien de Paris, en reprit la fabrication en 1937. Il se nommait Marcel BRIS dit Parisien la Noblesse du Devoir.
Le journal « Le Compagnon du Tour de France » (n° 100 du 1er décembre 1937) en informe ses lecteurs :

« LES COMPAGNONS AURONT DES CANNES
La Fédération Intercompagnonnique de la Seine, 16, rue des Quatre-Vents, Paris (6e), qui étudiait depuis quelque temps la fabrication éventuelle des cannes compagnonniques, est heureuse de faire part au Tour de France qu’elle a passé aux réalisations, tel qu’il a été décidé dans ses dernières réunions. Elle peut, dès maintenant, prendre commande et en fournir aux Compagnons dans le plus bref délai.
Afin de réduire le prix au minimum, un modèle uniforme a été adopté, pommeau en buffle noir, plaque en maillechort gravée à la demande, jonc naturel, l’embout se dévissant ouvragé en beau cuivre poli, pointe en acier tourné, glands en soie noire de belle qualité. Cette canne est exécutée en trois longueurs : un mètre vingt-cinq, un mètre trente et un mètre trente-cinq.
Le prix est fixé à DEUX CENT VINGT FRANCS, port et emballage en plus, paiement comptant ou contre remboursement. Les expéditions seront faites sous cette forme.
Les commandes ou les demandes de renseignements doivent être adressées au Compagnon BRIS André, 41 avenue de la Porte de Bagnolet, Paris (20e), chargé de la vente.
Cependant, les cours de la matière et de la main-d’oeuvre étant tellement changeants à notre époque, nous ne pouvons savoir le temps que nous pourrons garantir ces prix. Toutefois, que les Compagnons du Tour de France soient assurés que nous ferons de notre mieux pour ménager leur bourse et bien les servir.
Pour la gravure de la plaque du pommeau, nous insistons particulièrement auprès des Compagnons qui nous passeront commande, de bien vouloir nous indiquer très exactement le monogramme de leur corporation, les lettres et indications qui devront y être portées ; autant que possible, envoyer un petit croquis. »

Voilà des informations précises qui permettent de dater l’apparition d’un nouveau modèle de cannes compagnonniques, plus standardisé. Il n’est pas question des cannes aux pommeaux d’ivoire des boulangers et des tailleurs de pierre. On notera que c’est le compagnon lui-même qui indiquait au fabricant les mentions à porter sur la pastille. Il s’inspirait, bien sûr, des modèles antérieurs, mais cela n’excluait pas quelques anomalies dans l’orthographe et même dans les emblèmes de sa corporation.

Article rédigé par Laurent Bastard. Merci :)

1 Comment to “LES CANNES DU COMPAGNON BRIS EN 1937”

  1. Laurent BASTARD dit :

    L’article publié dans « Le Compagnon du Tour de France » avait été précédé d’une lettre circulaire de juin 1937, envoyée par la Fédération intercompagnonnique de la Seine à tous les groupements de compagnons du Devoir et du Devoir de Liberté. Son contenu précise et complète certaines des informations de l’article :
    « Chers Pays et Frères,
    Depuis plusieurs années nous recevons les doléances de CC.°. qui voudraient bien avoir un des symboles les plus marquants du Compagnonnage, la Canne, leur Canne.
    La maison PROUD d’Oullins (Rhône), CC.°. Charrons qui, de père en fils, depuis longtemps, était la fabricante de nos Cannes, en fabrique pour ne pas dire plus et répond par une fin de non recevoir aux demandes qui lui sont adressées.
    La Fédération Intercompagnonnique de la Seine s’est émue de cette situation et a cru de son devoir d’essayer et d’étudier si le cas échéant elle ne pourrait pas entreprendre cette fabrication.
    Après échanges de vues avec les Délégués des Corporations Compagnonniques de Paris, tous se sont prononcés pour l’entreprise de la fabrication, en conséquence nous poursuivons l’examen de cette question et pensons que d’ici quelques mois nous pourrons donner satisfactions aux CC.°. qui nous passeront commande.
    Nous avons d’abord retenu deux points principaux :
    1° – La tradition pour laquelle nous ne nous départirons pas.
    2° – Le prix qu’il faut obtenir assez bas pour qu’il soit accessible aux bourses les plus modestes.
    Il a été de même décidé :
    1° – Que tous les embouts seraient semblables et démontables, c’est-à-dire la canne complète dite canne de rouleur, l’embout une fois dévissé pouvant faire canne de ville ; ce genre d’embout a été adopté sur la présentation d’un modèle type.
    2° – Les joncs seront naturels, existeront en trois longueurs, afin d’approprier la hauteur de la canne à la grandeur du C.°.
    3° – Les pommeaux seront de buffle comme par le passé pour toutes les corporations (c’est l’étude type), sauf pour les CC°. Boulangers qui ont les pommeaux en ivoire et les CC.°. Menuisiers qui emploient la noix de coco.
    4° – La plaquette placée sur le pommeau sera en ivoire ou en métal obligatoirement gravée sur commande, le libellé étant spécial à chaque C°.
    5° – Les glands seront de couleur noire et tous semblables.
    6° – LES CC.°. désireux de faire embellir leurs cannes à leurs goûts devront supporter les frais et charges supplémentaires pouvant en découler.
    D’après les dernières indications que nous avons eues, nous sommes en mesure d’assurer que le prix ne dépasserait pas deux cent cinquante francs, sauf pour les CC.°. Boulangers et peut-être Menuisiers.
    Si vous avez des suggestions à ce sujet susceptibles d’être dans l’intérêt général, veuillez nous en faire part, adressez la correspondance au C.°. BRIS André 41, avenue de la porte de Bagnolet Paris (20e).
    Recevez, C.°. P.°. E.°. F.°. nos S.°. les plus F.°.
    Le Secrétaire Général de la Fédération Intercompagnonnique de la Seine F. Lacombe 26, rue de Londres Paris (9e) ».
    Ce document est important car il confirme que dans les années 1930, il était devenu difficile aux compagnons de se pourvoir d’une canne, alors même qu’elle était considérée comme un attribut essentiel. Certains n’en ont jamais acquis.
    Par ailleurs, on remarquera que la Fédération entendait se placer dans la « tradition », c’est-à-dire ne rien changer aux modèles existants, y compris en respectant les spécificités des pommeaux des cannes de boulangers (ivoire) et des menuisiers (noix de coco). Lorsqu’il est écrit que les pommeaux sont en « buffle », il faut comprendre « en corne de buffle ».
    Remarquons enfin qu’il s’agit de cannes adaptables aux circonstances : munies de leur férule, ce sont de grandes cannes dites « de rouleur » (compagnon préposé aux cérémonies), mais lorsque celle-ci est dévissée, elles deviennent des « cannes de ville », plus courtes.
    Quelques précisions aussi sur les abréviations alors employées par les compagnons : les lettres redoublées CC.°. suivies de trois points en triangle signifient « compagnons » ; la formule de salutation finale signifie : « Recevez chers Pays et Frères nos Salutations fraternelles », « Pays » signifiant « frère, ami » en Compagnonnage.

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