Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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LES BATONS MAGIQUES DE LA SAINT-JEAN

Photos : reproductions interdites

Le folkloriste Arnold Van GENNEP (1873-1957), auteur du monumental « Manuel de Folklore français contemporain » (1937-1958), a consacré une longue étude aux feux de la Saint-Jean, autrefois très observés dans les campagnes. Leur pouvoir considéré comme magique était censé se communiquer à la perche centrale, au bouquet carbonisé, aux cendres, aux tisons ainsi qu’aux bâtons qu’on approchait des flammes. Voici ce qui figure en pages1541 et 1549 de la réédition Robert Laffont (1999).
« Son caractère magique se manifeste encore mieux dans les procédés employés pour renforcer le pouvoir des baguettes et des gaules dont se servaient les bergers et les bergères, les pâtres et pastoures. Voici quelques exemples typiques :
Lorraine. – Dans le pays messin, autrefois chaque berger possédait une baguette de coudrier qu’il avait passée par les flammes du feu de la Saint-Jean et qui avait le pouvoir d’empêcher tout serpent qu’elle touchait, en faisant le signe de croix, de nuire, et même elle le faisait périr.
Marche. – Dans le nord de la Creuse, pendant le dernier quart du XIXe siècle, chaque bergère présentait aux flammes une branche de merisier noiraud dont elle se servait pour faire avancer ses brebis et avoir des agneaux noirs ; les laboureurs flambaient de même une baguette de coudrier qu’ils plantaient dans leurs champs de chanvre afin de les préserver de l’orage et faire pousser le chanvre aussi haut que la baguette.
La technique de l’opération était assez compliquée : il fallait tenir les gaules de coudrier assez longtemps dans le feu pour que l’on pût aisément enlever l’écorce soulevée par le feu ; c’est ce qui les rendait magiques. Celles de coudrier étaient couchées dans les sillons au mois d’avril lors des semailles du chanvre, puis redressées au moment de la poussée, afin que le chanvre poussât droit et aussi haut qu’elles. On traitait de la même manière les baguettes de bouleau qui servaient aux bergères à conduire leur troupeau.
Touraine. – A Chaumussay (Indre-et-Loire), les enfants attachaient des baguettes de coudrier au bout de longues perches pour les flamber ; mais l’auteur ne dit pas dans quel but.
Poitou (sans localisation). – Au XVIIIe siècle et dans le premier quart du XIXe, les bergères et les enfants passaient dans les flammes des tiges de molène (verbascum) qui « écartaient des troupeaux les maléfices et les maladies ». Dans la Vienne, à Cuvray, les bergers flambaient une tige de noisetier coupée la veille du 24 juin à laquelle pendait une « herbe de la Saint-Jean » ornée d’une noix.
Sans doute, la puissance spéciale des baguettes pourrait être due à la bénédiction préalable du bûcher par un prêtre ; mais le plus souvent elle ne se fait pas ; et c’est bien le caractère sacré du bûcher de la Saint-Jean comme tel, de ses flammes et fumées, qui détermine cette vertu.
(…)
Isolée semble être aussi une coutume relevée vers 1870 par Dergny dans le pays de Bray (Seine-Inférieure) : chacun des assistants à la procession conduite par le curé pour aller bénir le bûcher de la Saint-Jean portait un long bâton dont il faisait ensuite brûler le bout et dont il gardait soigneusement le reste ; car ce bâton préservait, disait-on, de la foudre. »

Les photos illustrant cet article ont été prises le soir du 25 juin 1939 par Roger Lecotté, lors d’un grand feu de la Saint-Jean allumé au pied des marches du Sacré-Coeur à Montmartre (reproduction interdite).

Article proposé par Laurent Bastard. Merci :)

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