Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
Bibliothèque de ressources historiques, culturelles, artistiques, litteraires, sportives…sur la canne et le bâton, en France et dans le monde…
L’ENIGME DE LA CANNE EN VERS


Les devinettes sont aujourd’hui un peu passées de mode, mais il y a un siècle et plus, nos ancêtres adoraient ces jeux de mots et d’esprit. Une catégorie particulière se nomme « logogriphe » et consiste à présenter l’objet ou l’être à découvrir comme s’il s’agissait d’une personne.
Le compagnon boulanger DEQUOY, de Blois, qui fut un chansonnier renommé à la fin du XIXe siècle, est l’auteur d’une énigme de ce genre publiée dans le journal « La Fédération Compagnonnique » du 19 mars 1882 :

« Le fond d’un marécage m’a donné l’existence,
Je ne brille donc point, ami, par ma naissance ;
Si un hasard fortuit ne m’eut donné l’essor,
Le fait est avéré que j’y serais encor.
Une date funeste ! d’immortelle mémoire,
M’arracha de la fange. Oh ! pour moi, quelle gloire,
Depuis ce temps je suis plus belle que le jour.
De ma taille élégante on admire le tour,
D’une blanche auréole mon chef est couronné
Et mon corps gracieux de soie est ondulé.
Maints coeurs de vingt ans frissonnent à mon aspect,
Ne s’approchent de moi qu’avec un saint respect,
Sans être invulnérable j’ai bon pied et bon oeil,
Et portant haut le front je dis avec orgueil :
J’ai plus de trois mille ans, croyez-moi mes amis,
Vous qui m’aimez toujours, devinez qui je suis. »

La réponse est : LA CANNE. Mais il nous faut donner quelques explications.
Le jonc avec lequel est fabriquée la canne des compagnons est censé être un jonc poussant dans les marais. Le « hasard fortuit » et la « date funeste » sont ceux de la tentative d’assassinat de Maître Jacques, le fondateur légendaire des compagnons du Devoir, qui, revenu en Gaule après la construction du temple de Salomon, échappa aux disciples du Père Soubise, ses ennemis, en se jetant dans un marais et en se cachant parmi les joncs. Il en conserva toujours un sur lui jusqu’à sa mort tragique (il fut assassiné).
La « blanche auréole » de son chef (sa tête) est le pommeau en ivoire blanc des cannes de compagnons boulangers du Devoir.
La soie qui ondule sur le corps est la cordelière de soie noire qui entoure la canne et qui se termine par des pompons.
Les coeurs de vingt ans qui frissonnent devant elle sont les jeunes aspirants, les futurs compagnons, impatients de la porter.
Elle a plus de trois mille ans puisque la construction du temple de Salomon débuta 1000 ans avant J.-C. et que l’auteur écrit en 1882 (en fait, cela fait à peine 3000 ans).

La photo illustrant cet article représente un moment du rituel du « Devoir » accompli par les compagnons boulangers, au cours duquel le « rouleur » lance leur canne aux deux compagnons qui accomplissent la cérémonie (Photo Laurent BASTARD, droits réservés).

Article rédigé par Laurent Bastard. Merci :)

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