Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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Le Thyrse, un « bâton hiératique » pour Baudelaire (1869)

Thyrse

Qu’est-ce qu’un thyrse ? C’est un bâton antique, orné de feuilles de lierre ou de vigne, terminé ou non par une pomme de pin ou de grenade. C’est l’attribut de Dionysos (en Grèce) et de Bacchus (chez les Romains). Les Ménades ou Bacchantes le portaient lors de leurs cérémonies nocturnes, associées à l’ivresse des banquets. C’était aussi un bâton magique.

Tout a été écrit sur ce bâton par A.J. REINACH dans le Dictionnaire des antiquités grecques et romaines de Ch. Daremberg et E. Saglio, dont une partie a été mise en ligne sur le site www.mediterranees.net.

Mais le poète charles BAUDELAIRE (1821-1867) lui a consacré un beau texte dédié à Franz Liszt dans Le Spleen de Paris, édité à titre posthume en 1869. Il analyse le thyrse comme l’alliance de deux symboles qui sont aussi les deux aspects indissociables du caractère de Liszt. Le bâton « c’est votre volonté, droite, ferme et inébranlable » et les fleurs « c’est la promenade de votre fantaisie autour de votre volonté. »

Voici ce poème, dont nous n’avons pas reproduit le dernier paragraphe, davantage associé au compositeur.
« Qu’est-ce qu’un thyrse ? Selon le sens moral et poétique, c’est un emblème sacerdotal dans la main des prêtres ou des prêtresses célébrant la divinité dont ils sont les interprètes et les serviteurs. Mais physiquement ce n’est qu’un bâton, un pur bâton, perche à houblon, tuteur de vigne, sec, dur et droit. Autour de ce bâton, dans des méandres capricieux, se jouent et folâtrent des tiges et des fleurs, celles-ci sinueuses et fuyardes, celles-là penchées comme des cloches ou des coupes renversées. Et une gloire étonnante jaillit de cette complexité de lignes et de couleurs, tendres ou éclatantes. Ne dirait-on pas que la ligne courbe et la spirale font leur cour à la ligne droite et dansent autour dans une muette adoration ? Ne dirait-on pas que toutes ces corolles délicates, tous ces calices, explosions de senteurs et de couleurs, exécutent un mystique fandango autour du bâton hiératique ?
Et quel est, cependant, le mortel imprudent qui osera décider si les fleurs et les pampres ont été faits pour le bâton, ou si le bâton n’est que le prétexte pour montrer la beauté des pampres et des fleurs ? Le thyrse est la représentation de votre étonnante dualité, maître puissant et vénéré, cher Bacchant de la Beauté mystérieuse et passionnée. Jamais nymphe exaspérée par l’invincible Bacchus ne secoua son thyrse sur les têtes de ses compagnes affolées avec autant d’énergie et de caprice que vous agitez votre génie sur les coeurs de vos frères. Le bâton, c’est votre volonté, droite, ferme et inébranlable ; les fleurs, c’est la promenade de votre fantaisie autour de votre volonté ; c’est l’élément féminin exécutant autour du mâle ses prestigieuses pirouettes. Ligne droite et ligne arabesque, intention et expression, raideur de la volonté, sinuosité du verbe, unité du but, variété des moyens, amalgame tout-puissant et indivisible du génie, quel analyste aura le détestable courage de vous diviser et de vous séparer ? »

Article rédigé par Laurent Bastard. Merci :)

Petit additif personnel à écouter sans retenue :) FM
L’extraordinaire interprétation de la seconde rhapsody hongroise de Franz Liszt
par Georges Cziffra !!

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2 Comments to “Le Thyrse, un « bâton hiératique » pour Baudelaire (1869)”

  1. Brens Achkar dit :

    Poème et rapsodie : un vrai bonheur. Merci

  2. [...] des bacchantes lors de leurs cérémonies nocturnes (voir l’article du 18-02-2010 : Le thyrse, un « bâton hiératique » pour Baudelaire [...]

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