Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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LE BRIQUET DE BOIS DES SAUVAGES – 1
Categories: Bâton comme outil

Sous ce titre, la revue « Le Magasin pittoresque » de février 1868, p. 71-72, a étudié le procédé qui consiste à faire naître du feu par frottement de deux bâtons. Nous avions déjà abordé ce sujet dans les articles Le bâton frotté pour faire du feu et Bâton à feu des Australiens ; voici en complément ce long article que nous reproduisons en deux fois :

« Un spirituel écrivain (M. About) a dit : « Egarez-vous seulement dans les bois de Vincennes, soyez surpris par la nuit, ayez froid, et cherchez à faire du feu comme les sauvages, en frottant deux morceaux de bois : l’épuisement viendra plus tôt que l’étincelle. »
Il est vrai, mais il est assez difficile d’être à la fois sauvage et homme civilisé, et qui voudrait se faire l’un et l’autre pourrait bien n’être ni l’un ni l’autre. Les sauvages renoncent dès qu’ils le peuvent à ces deux bâtons que les voyageurs appellent leur « briquet de bois » pour se servir de nos allumettes phosphoriques. Ils finiront par oublier leur ancien usage, qui, en vérité, n’était guère commode.

Voici de quelle manière, selon un vieux voyageur (André Thevet : Singularités de la France antarctique), s’y prenaient les Indiens, parmi lesquels il avait vécu, pour allumer leurs bûchers : « Doncques, ils vous prendront deux bastons inégaux, l’un, qui est le plus petit de deux pieds ou environ, fait de certain bois fort sec, portant moëlle ; l’autre quelque peu plus long. Celui qui veult faire feu, mettra le plus petit baston en terre, percé par le milieu, lequel tenant avec les pieds qu’il mettre dessus, fichera le bout de l’autre baston dans le pertuis du premier, avec quelque peu de cotton et de feuilles d’arbre seiché ; puis, à force de tourner ce baston, il s’engendre telle chaleur, de l’agitation et tourment, que les feuilles et cotton se prennent à brûler, et ainsi allument leur feu, lequel en leur langue ils appellent « thata » et la fumée « thalatin », et celle manière de faire feu, tant subtile, disent venir d’un grand « Caraïbe » plus que prophète. »

Bien des années plus tard, un habile médecin, correspondant de l’Académie des sciences, en 1753, raconte les mêmes faits en termes analogues ; il les a observés longtemps chez les Galibis ; mais il ajoute quelques mots sur la nature du bois qu’on emploie dans ces sortes d’opérations, et cette précaution de l’homme pratique est loin d’être inutile. « On se sert ordinairement, pour faire ces sortes de fusils, du bois de cacao, de roucou, et surtout du bois de « maho ». On appelle, en indien, tous les bois qui peuvent servir à cet usage, « ouato vhébé », qui veut dire bois du feu. »

Le savant Scherer nous transporte, à propos du briquet de bois, dans des régions bien différentes : il nous conduit dans cette antique Asie d’où nous viennent les principes de civilisation sur lesquels se sont basées nos sociétés. « Les peuples asiatiques ont aussi un instrument semblable à celui des Américains pour allumer le feu ; ils prennent deux petites planches de bois sec, et les ayant aplaties, ils font dans chacune un petit trou dans lequel ils passent une fiche de bois qu’ils entortillent d’une corde ; ensuite ils tournent la corde avec tant de rapidité que le bois prend feu par le frottement ; puis ils posent le bois allumé contre une espèce de mousse sèche qui leur sert d’amadou. »
Ici le membre de l’Académie de Berlin s’appuie sur le témoignage de Steller, qui a vécu chez les Kamtschadales et les Tchutchis, et son témoignage est d’autant plus précieux à recueillir qu’il sert à établir, selon lui, entre des races étrangères en apparence les unes aux autres, une certaine communauté d’origine.

Les peuples asiatiques voisins du détroit de Behring n’ignorent pas plus l’art d’obtenir le feu par le frottement de deux morceaux de bois que leurs voisins les Américains. Le compagnon de Dumont d’Urville et de Duperrey, le savant P. Lesson, a vu le briquet de bois dans plusieurs îles. Selon cet habile observateur, les noirs habitants de la Nouvelle-Irlande « se servent, pour allumer leurs brasiers, de deux morceaux de bois qu’ils frottent vivement et dont s’échappent de petites étincelles qu’ils recueillent sur de la paille desséchée ; par ce procédé simple, ils peuvent, quelque part qu’ils se trouvent, préparer ces grands feux qui sèchent leurs membres mouillés par de grandes et nombreuses averses. »

A suivre…

Article rédigé par Laurent Bastard, merci :)

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