Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
Bibliothèque de ressources historiques, culturelles, artistiques, litteraires, sportives…sur la canne et le bâton, en France et dans le monde…
LE BATON DU FRERE DE LA COTE

En 1875, le magazine « Le Tour du monde » consacra une série de reportages illustrés à un « Voyage dans l’Entre-sierra, la vallée de Huarancalqui et les régions du Pajonal (Bas-Pérou) ». L’auteur, Paul Marcoy, y narre son périple accompli en 1862-1863.
Dans la vallée de Tambo, près de la côte du Pacifique, il fit la connaissance d’un Français nommé Pierre Leroux, propriétaire d’une hacienda, qui cherchait à exploiter des mines en plus de la canne à sucre et du coton. S’étant fait livrer deux machines, il fit procéder à leur débarquement sur un radeau mais la manoeuvre échoua et les engins furent précipités dans le fleuve. Aussitôt accoururent les habitants de la région qui commencèrent à s’emparer des bois du radeau détruit, comme des épaves. C’est alors qu’intervint un curieux personnage (p. 126) :
« Un individu, que personne jusque là n’avait remarqué, perdu qu’il était dans la foule, s’avança, et dans un castillan baroque, mais cependant intelligible, ordonna aux pillards de se dessaisir des bois qu’ils emportaient. Comme ceux-ci ne tenaient aucun compte de l’injonction, l’inconnu joignit à ses paroles quelques bourrades dont le succès fut immédiat. »
L’auteur et Pierre Leroux s’enquièrent alors de son identité et apprennent qu’il s’agit d’un Français nommé Moïse, provençal natif de La Ciotat et charpentier de profession. Il avait quitté le navire qui l’employait et errait depuis de village en village.
« A cette profession de foi, poursuit Paul Marcoy, je reconnus un membre de la corporation maritime des Frères de la Côte, braves gens mais mauvaises têtes, qu’un accès d’humeur ou un besoin de changement pousse à déserter du navire sur lequel ils sont embarqués (…)
Celui-ci était un solide gaillard d’une quarantaine d’années, aux traits réguliers, l’air résolu, bronzé comme un Arabe, et à qui une barbe et des cheveux d’un blond indescriptible, étalés en crinière, donnaient je ne sais quoi de fauve et de léonin. (…) Il était chaussé d’espadrilles, armé d’une canne et portait sa garde-robe dans un mouchoir. »
Pierre Leroux et l’auteur lui proposent alors de garder les lieux et d’empêcher le vol des bois moyennant rémunération.
« Ma proposition parut lui sourire. (…) Comme entrée en fonction, notre Provençal se campa sur sa hanche, regarda l’assistance entre les deux yeux, et faisant le moulinet avec son bâton, dit dans son mauvais espagnol, qui fut compris de tout le monde : « Le premier failli chien qui touche à ce bois, je l’assomme ! »
Cette rodomontade fit son effet, les pillards disparurent ; les curieux s’éloignèrent ; chacun parut comprendre qu’avec un custode de cette trempe il n’y avait rien de bon à espérer. »

Comme quoi un seul bâton bien manié est dissuasif au possible !

Article rédigé par Laurent Bastard. Merci :) – (et j’ajouterais « oh que oui ! »)

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