C’est une œuvre curieuse que ce « Palindrome Courbet / Cadere » réalisé par Agnès THURNAUER en 2015, car elle associe trois artistes autour d’un objet que nous connaissons bien : le bâton. Tout est imbriqué, alors commençons donc par le début.

L’œuvre initiale, c’est celle du peintre Courbet, intitulée « Bonjour Monsieur Courbet » ou « La Rencontre », réalisée en 1854 et exposée aujourd’hui au musée Fabre de Montpellier. Le peintre, sac au dos, gros bâton de marche à la main, rencontre son mécène, Bruyas, et son serviteur.
Nous en avons déjà parlé à deux reprises sur ce blog. Voir les articles : Le bâton de marche du peintre Courbet (1854) et La Rencontre de Gustave Courbet.

Voici maintenant qu’intervient Agnès THURNAUER. C’est une artiste franco-suisse qui a exposé ses œuvres dans le monde entier, au Centre Pompidou à Paris, au SAM de Seattle, au CCBB de Rio de Janeiro, à Bruxelles, à Prague. Elle a aussi exposé son « Palindrome Courbet / Cadere » au centre d’art contemporain du château de Montsoreau (49) et explique en ces termes le sens de sa démarche : « Les œuvres d’autres artistes sont là comme des compagnons avec qui je dialogue. Les Palindromes (2015) sont des collages où se télescopent des extraits d’œuvres autour d’un geste de peinture (…). Gustave Courbet (Bonjour Monsieur Courbet) et le bâton d’André Cadere. Je fais coïncider cette notion de palindrome avec le motif du chevron, lisible dans les deux sens, et l’idée sous-jacente que le passé devient avenir, et inversement. » (extrait d’un entretien avec Alexandra Fau, cf. le site media.artabsolument.com).

Rappelons qu’un palindrome est un mot ou groupe de mots qui peut se lire indifféremment de gauche à droite ou de droite à gauche en gardant le même sens ; par exemple « la mariée ira mal ».

L’artiste a isolé Courbet du reste du tableau et a transformé son bâton de marche en bâton formé de segments colorés (blanc, jaune, vert, rouge).

Ce bâton coloré est de ceux qui ont fait connaître un troisième artiste : André Cadere. Il s’agit d’un artiste roumain, né en 1934 à Varsovie, mort à Paris en 1978.
Il fut l’un des tenants de l’art conceptuel et en 1969 il exposa un tableau en relief composé de demi-baguettes colorées.
Le bâton coloré ou barre de bois rond est devenu une œuvre à part entière, qu’il a décliné de multiples façons. Il a écrit à ce propos : « Une barre de bois rond est immuable, toute pièce étant à chaque fois différente l’une de l’autre, l’ensemble du travail étant une constellation. Cette constellation étant strictement limitée. D’un autre côté, mon activité n’a pas de suite, ni d’avenir. Il n’y a pas d’évolution, une barre de bois rond est. » (lettre à Yvon Lambert, 24 mai 1978). (D’après sa notice sur Wikipédia).

Encore une preuve que le bâton, le simple, l’ordinaire, banal et modeste bâton, est aussi une œuvre d’art !

Article rédigé par Laurent Bastard, merci