Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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LE BATON D’HOMERE

C’est sous la plume de Villemot que l’on trouve cet extrait de « La Vie à Paris, chroniques du « Figaro », par Auguste Villemot, précédées d’une Étude sur l’esprit en France à notre époque, par P.-J. Stahl. 1re [-2e] série » (sur Gallica.fr).

« N’a-t-on pas raconté qu’un Anglais avait offert un million de l’épée de Damoclès? — Enfin, ne savez-vous pas que le bâton d’Homère a coûté la vie à un Anglais?

Si vous ne le savez pas, apprenez-le.

Donc, un Anglais de la race glorieuse des collectionneurs, remontant le cours des âges, et suivant à la trace les traditions conservées
dans les peuplades grecques, avait découvert qu’Homère, conformément à son vœu, avait été enseveli avec son bâton. — Il ne s’agissait
plus que de retrouver la tombe d’Homère. — L’Anglais intéressa à sa recherche un Grec qui, moyennant cinq cent mille francs, se
chargea de cette besogne. En effet, après six mois de fouilles en Asie Mineure, le Grec fournit à l’Anglais une tombe ornée de tous les
agréments homériques, savoir : un peu de poussière (la poussière représentait Homère) ; — un bâton noueux où apparaissaient encore
quelques caractères grecs et un exemplaire de l’Iliade avec la traduction de Bilaubé en regard. — Le Grec avait pris un peu cher à
l’Anglais, mais il avait bien fait les choses. — L’Anglais, qui n’entendait rien ni à Homère ni à Bitaubé, laissa le manuscrit et
emporta le bâton avec un pieux enthousiasme qui touchait à la folie.

En divers endroits mal pavés et peu éclairés de l’Asie Mineure, l’Anglais fut allaqué par des brigands, qui lui prenaient son or, son linge et ses bottes, en lui laissant le bâton d’Homère, à la grande joie de l’Anglais, qui s’amusait de leur naïveté. L’Anglais rentra enfin à Londres, où le bâton d’Homère produisit la plus vive sensation. Bientôt l’envie et la concurrence s’éveillèrent. Un autre Anglais découvrit un texte d’Hérodote, qui, soumis à quelques péparations.

et convenablement façonné pour l’interprétation, apporta cette révélation que, deux siècles après la mort d’Homère, le bâton de cet
illustre aveugle était déposé dans le temple de Delphes et dédié à Jupiter Rimeur. — Partant de là, un troisième Anglais, plus savant
encore que le second, signala la destinée errante du bâton d’Homère a travers les temps antiques et le moyen âge, et le retrouva finalement entre les mains d’un marchand de bœufs de la Gaule Celtique.

— Revenu de son erreur et bien convaincu que le Grec lui avait fourni un bâton apocryphe,1e premier Anglais s’empressa d’acheter,
à tout prix, le bâton, cette fois authentique et certifié véritable par tous les savants, du vénérable Homère. — L’Anglais jeta tous ses
meubles par les fenêtres et ne voulut plus posséder que le bâton d’Homère. — Il couchait à côté de son bâton sur un petit lit de
sangle; — mais le bâton- était couché dans une gaîne de soie et de velours. Le public aristocratique était admis à le voir à travers une
gaze.

Le véritable bâton d’Homère en était là de sa gloire et de ses triomphes, lorsque M. Michelet, dans une phrase incidente et négligée, s’avisa d’établir qu’Homère n’avait pas existé. —Ce fut une révélation accablante pour le bâton d’Homère, dont le crédit baissa beaucoup. — L’Anglais mourut de chagrin, et le bâton, emmanché dans un balai, fut réduit à la piteuse condition d’un bâton sans fortune et sans naissance.  »

FM

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