Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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DES BATONS POUR FABRIQUER LE « PAIN BOUILLI »
Categories: Bâton comme outil

A Villar-d’Arène (Hautes-Alpes) s’est conservé la tradition du « pain bouilli ». Il s’agit d’un pain de seigle autrefois fabriqué une fois l’an, en novembre. Toute la population du village participait à ce grand moment, qui donnait lieu à des moments de réjouissances collectives. Une quantité déterminée de pain était attribuée à chaque famille et il se conservait plusieurs mois, dur, certes, mais il était tout de même apprécié dans la soupe ou mâché en gardant le bétail dans les alpages. D’autres villages autour de Villar-d’Arène faisaient de même, mais c’est dans celui-ci que l’on en a maintenu la confection, en raison de son caractère festif. Les touristes sont chaque année nombreux à observer cette méthode particulière.

En résumé, dans le fournil collectif, les pétrisseurs du village et le « fournier » se rassemblent dans la semaine autour de la Saint-Martin. On verse une certaine quantité de farine de seigle dans chaque pétrin, qu’on arrose d’eau bouillante (d’où le nom de « pain bouilli »). Comme le mélange est très chaud, c’est avec un rouable puis des bâtons qu’il faut l’agiter. On recouvre les pétrins d’une toile maintenue grâce à un bâton dont les bouts reposent sur les extrémités du pétrin.

Après 12 heures de fermentation, on ajoute la farine et on pétrit à bras. On laisse encore reposer 3 heures. Puis la pâte est coupée en parts de forme cubique, avec une bêche, et elles sont enfournées.

L’utilisation de bâtons pour réaliser le « levain » est une particularité locale qui n’est pas sans rappeler le procédé employé au XIXe siècle en Russie par les boulangers militaires.

Notre ami Laurent BOURCIER dit Picard la Fidélité, compagnon pâtissier resté fidèle au Devoir, nous a communiqué des gravures qui le confirment. Il ajoute que : « Le pain ne subit pas d’apprêt, c’est-à-dire de seconde fermentation en paniers d’osier, sur couche ou en moule métallique. Le mélange eau et farine de seigle se fait à l’eau très chaude, donc il n’est pas possible de pétrir à la main. On le fait avec des bâtons. Il n’y a pas de pesage ni de façonnage. La pâte est « détaillée » dans le pétrin avec une pelle-bêche dont les boulangers des armées russes se servaient aussi pour enfourner. »

Il est étonnant de retrouver des usages similaires à quelques milliers de km d’écart !

Les illustrations sont les suivantes :

Détail d’une gravure de 1877 (quartier général de l’armée russe à Kischeneff) relative à la guerre qui opposa la Russie à l’empire ottoman. On y voit les boulangers militaires pétrissant au bâton.

Détail d’une gravure représentant une inspection de boulangerie militaire russe au XIXe siècle.

et

deux photos prises dans le fournil de Villar-d’Arène (Hautes-Alpes). Dans un pétrin sont placés le gros bâton qui sert à supporter la toile durant la fabrication du « levain », le rouable, les bâtons à mélanger l’eau et la farine et une bêche à découper la pâte.

Merci donc à Picard la Fidélité ainsi qu’à Laurent Bastard pour ce nouvel article :)

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