Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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CANNES ET BATONS DANS « BOUVARD ET PECUCHET »

« Bouvard et Pécuchet » est un roman de Gustave FLAUBERT, qu’il commença à écrire en 1872 et qu’il n’avait pas achevé en 1880, l’année de sa mort. C’est l’histoire de deux modestes employés de bureau, dont l’un, Bouvard, enfant naturel, hérite d’une petite fortune à la mort de son père, sous le règne de Louis-Philippe. Les deux amis achètent une belle propriété dans le Calvados et ambitionnent de découvrir enfin le monde en expérimentant toutes les connaissances possibles et imaginables. Mais, faute de bon sens, d’éducation, de bases intellectuelles solides, ils vont de déconvenues en échecs, d’incompréhensions en déceptions, et passent pour des originaux, des fantaisistes et des révolutionnaires dans leur village conservateur.
La lecture de ce livre nous a permis de constater que les cannes, bâtons et autres baguettes étaient fréquemment évoqués au fil des pages. Cela met aussi en évidence, a contrario, l’absence de ces accessoires dans la vie d’aujourd’hui. Nous vivons dans un monde sans cannes ni bâtons.

Commençons par la CANNE. Au chapitre II, on découvre l’habitude de M. Vaucorbeil, « un docteur fameux dans l’arrondissement » : « Ils contemplaient cet ensemble, quand un homme à chevelure grisonnante et vêtu d’un paletot noir longea le sentier, en raclant avec sa canne tous les barreaux de la claire-voie. » Et plus loin : « Comme autrefois, il passait le matin devant leur grille, en raclant avec sa canne tous les barreaux l’un après l’autre. » Cette façon d’agir a dû être observée par l’écrivain auprès d’un de ses contemporains tant elle sonne vrai.

Poursuivons avec le BATON DE TOURISTE et la CANNE-PARAPLUIE. Voici à présent nos deux compères pris par la passion de la géologie. Ils se munissent de l’équipement nécessaire puis  » Comme bâton, Pécuchet adopta franchement le bâton de touriste, haut de six pieds, à longue pointe de fer. Bouvard préférait une canne-parapluie, ou parapluie polybranches, dont le pommeau se retire, pour agrafer la soie, contenue à part dans un petit sac. » Le grand air, la hauteur des falaises d’Etretat et leur exaltation les fait remonter précipitamment de la plage jusqu’en haut des falaises : « Pécuchet, pour le rattraper, faisait des sauts énormes, avec son bâton de touriste » tandis que Bouvard, en démence, courait toujours : « Le parapluie polybranches tomba, les pans de sa redingote s’envolaient, le havre-sac ballottait à son dos. » Escaladant la falaise « Bouvard jeta son bâton de touriste, et avec les genoux et les mains reprit son ascension. »

Continuons avec l’attribut du comte de Faverges, la BADINE : « Le gentilhomme, par politesse, inspecta leur musée. Il répétait : « Charmant ! très bien ! » tout en se donnant sur la bouche de petits coups avec le pommeau de sa badine… » Encore une attitude observée par l’écrivain.

Notons aussi l’emploi de la CANNE comme outil de reconnaissance des objets : « Bouvard, avec sa canne, tâta à la place indiquée. Un corps dur sonna. Ils arrachèrent quelques orties et découvrirent une cuvette en grès, un font baptismal où des plantes poussaient. »

La canne peut être également employée pour manifester l’hostilité, l’agressivité. Ainsi, lorsque la révolution de 1848 éclate, l’ouvrier menuisier Gorju joue les révolutionnaires dans le village : « Des ouvriers passèrent sur la route, en chantant la Marseillaise. Gorju, au milieu d’eux, brandissait une canne ; Petit les escortait, l’oeil animé. »

Avec une BADINE, on peut aussi exprimer son indifférence. Le même Gorju se voit supplier par sa vieille maîtresse de ne pas la quitter. Lui écoute à peine : « Gorju s’était coupé une badine, et en raclait l’écorce. Mme Castillon ne relevait pas la tête. Elle songeait, la pauvre femme, à la vanité de ses sacrifices, les dettes qu’elle avait soldées (…). Gorju s’éloignait, en tapant avec sa badine les feuilles des arbres. »

Il y a aussi les BATONS ORTHOSOMETIQUES, nom savant probablement issu des traités de gymnastique du XIXe siècle et qui signifie « bâton pour tenir droit le corps ». « Les « bâtons orthosométiques » lui plurent davantage, c’est-à-dire deux manches à balai reliés par deux cordes, dont la première se passe sous les aisselles, la seconde sur les poignets ; et pendant des heures, il gardait cet appareil, le menté levé, la poitrine en avant, les coudes le long du corps. »

Poursuivant ses exercices, Pécuchet essaie de marcher avec des ECHASSES : « Ses exhortations furent vaines ; et, dans son orgueil et sa présomption, il aborda les échasses. La nature semblait l’y avoir destiné, car il employa tout de suite le grand modèle, ayant des palettes à quatre pieds du sol, et en équilibre là-dessus, il arpentait le jardin, pareil à une gigantesque cigogne qui se fût promenée. »

Plus loin, Bouvard et Pécuchet recueillent deux enfants d’un forçat et s’efforcent de les éduquer. Pécuchet essaie d’apprendre au garçon la musique, à l’aide d’une BAGUETTE : « Pécuchet néanmoins aborda le chant en partie double. Il prit une baguette pour tenir lieu d’archet et faisait aller son bras magistralement, comme s’il avait eu un orchestre derrière lui ; mais occupé par deux besognes, il se trompait de temps, son erreur en amenait d’autres chez l’élève, et fronçant les sourcils, tendant les muscles de leur cou, ils continuaient au hasard, jusqu’au bas de la page. »

Article rédigé par Laurent Bastard. Merci :)

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