Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
Bibliothèque de ressources historiques, culturelles, artistiques, litteraires, sportives…sur la canne et le bâton, en France et dans le monde…
LES COUPS DE BATON PLUTOT QUE LA PARESSE

Les coups de bâton ne sont pas toujours présentés comme d’injustes et avilissants châtiments. Ils peuvent être aussi considérés comme des moyens de progression morale. C’est du moins ainsi que le concevait Pierre-Louis ARONDEAU (1814-1836), un jeune professeur, séminariste à Nantes, qui reçut les ordres mineurs avant de s’éteindre après une courte vie de mortifications et de piété, victime d’une maladie pulmonaire. Il eut le temps, dès son plus jeune âge, de composer des fables et des poèmes exaltant l’effort, la vertu et la patrie, qui furent réunies en 1840 dans un ouvrage en deux tomes intitulé « Les Souvenirs de l’amitié ou vie et opuscules de P.-L. Arondeau ». (Source : Google livres).

En pages 9 et 10 se trouve la fable « Le cochon et le jeune chien », où l’on voit que ce dernier préfère souffrir les coups de bâton de son maître plutôt que de croupir paresseusement dans la fange comme le fait le cochon…

LE COCHON ET LE JEUNE CHIEN

Un cochon se vautrait dans la fange et l’ordure,
Et de son long groin creusait sa hutte impure ;
Il voyait très souvent un fils du grand Brifaut,
Dont son maître voulait faire un chien sans défaut,
Qui sût faire lever à propos les bécasses
Et d’un léger lapin suivre, agile, les traces.
L’élève était bien jeune et volage, et partant
Le bâton sur son dos venait fondre souvent.
Notre indolent pourceau qui plaignait sa misère,
Crut que l’y dérober était charité faire.
Un jour en conséquence il prit l’occasion
Où le pauvrait criait sous les coups de bâton,
Pour l’engager enfin à quitter une vie
De peines et de maux si tristement remplie.
Ah ! lui dit le cochon, frère peu fortuné,
(De ce titre le chien se fut très bien passé)
Mes yeux sont tous les jours témoins de ta misère,
Quels traitements affreux ! j’en frissonne d’horreur ;
Quoi ! l’on verra toujours un maître sanguinaire
Sur toi, tendre Brifaut, décharger sa fureur !
Crois-moi, fuis du bâton la science perfide
Qui de tes plus beaux jours empoisonne la fleur.
Car, dis-moi, quand bien même en ta course rapide
Tu prendrais tous les jours un superbe lapin,
Encore un coup, dis-moi quel bien
Te procurera ta peine ?
Quand tu vois le lapin se jouer dans la plaine,
Crois-tu qu’en l’attrapant il sera bien à toi ?
Tu te trompes, Brifaut ; après un tel exploit,
Ton repas sera fait tout comme à l’ordinaire
D’un os demi-rongé par une avide dent.
Ah ! près de moi plutôt, oubliant ta misère,
Viens goûter les douceurs d’un repos bienfaisant.
Repas à point, bonne litière,
Boire et manger, et jouer son content,
Voilà, Brifaut, ce qui t’attend.
- C’est fort bien dit à vous ainsi qu’à votre gent,
Répartit celui-ci ; mais que, quittant la chasse,
Brifaut aille goûter une joie aussi basse,
Et démente ses aïeux,
Le fait serait trop honteux.
Non, non, mieux vaut souffrir le bâton homicide ;
J’en serai quitte pour des coups ;
Et bientôt le lièvre timide
En vain s’enfuira devant nous.
Vous croupissez dans la paresse,
La fange couvre votre corps ;
Pour moi j’exerce mon adresse,
Et fais de généreux efforts.
L’estime d’un maître que j’aime,
Si vous aimez tant le plaisir,
Est pour moi d’un plaisir extrême
Qu’un cochon ne saurait sentir.

Combien de gens plongés dans l’indolence,
A leurs plaisirs immolant les travaux,
Préfèrent un honteux repos
Aux nobles fruits de la science ! »

Voilà des propos que ne démentiront pas les cannistes et les bâtonnistes, qui, sans les rechercher, savent essuyer quelques coups pour mieux progresser dans leur art…

L’illustration représente un jeune homme portant des bâtons sur son épaule, accompagné de son chien. Elle est issue de « La Semaine des enfants », n° 124, du 14 mai 1859, p. 15

Article rédigé par Laurent Bastard, merci :)

Note : il est vrai que l’humilité doit rester de mise pour un pratiquant de canne de combat et bâton…et que parfois…parfois…un petit coup peut permettre de progresser (mais c’est souvent plus par le fait qu’il s’agit d’un gentil rappel à une nécessaire humilité qu’une réelle question d’acquisition de compétence technique supplémentaire ;)

Tags:

Leave a Reply