Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
Bibliothèque de ressources historiques, culturelles, artistiques, litteraires, sportives…sur la canne et le bâton, en France et dans le monde…
La canne, belle comme une femme, selon « Rochelais l’enfant chéri »

compagnon boulanger
Plusieurs compagnons ont chanté leur canne, comme CALAS, en 1864 (voir l’article). Du nombre fut aussi le compagnon boulanger du Devoir Louis-Pierre JOURNOLLEAU dit « Rochelais l’Enfant Chéri ». Il fut l’un des meilleurs chansonniers de sa corporation. En 1859, à Rochefort, il publia son recueil de chansons intitulé « L’Innovateur, recueil de chansons inédites dédiées aux Compagnons du Tour de France ».

Cette première édition fut suivie d’une autre, à Surgères, en 1870, et d’une troisième, à La Rochelle, en 1907. Le recueil s’amplifia d’années en années.

Parmi ces chansons figure celle intitulée « Ma Canne », qui se chantait sur l’air de « Hirondelle gentille ».

Sans craindre la chicane / Je vais chanter ma canne, / Superbe jonc ; / Il fut mon héritage, / On le donne en partage / Aux Compagnons.

D’où vient ton origine, / Oh ! ma canne divine, / Précieux trésor ? / Des rives de Provence, / Sur le beau Tour de France, / Tu pris l’essor.

Oh ! dis-moi quel est l’homme / Qui voyant cette pomme, / Ne se dit pas : / Plus blanche que l’hermine, / Ainsi que l’aubépine, / Viens dans mes bras.

Ta taille gigantesque, / Bien loin d’être grotesque, / Est élancée ; / Un cordon te décore, / Que manque-t-il encore / A ta beauté ?

Ton vernis luit encore, / plus brillant que l’aurore / De tes beaux yeux ; Par toi, belle compagne, / traversant la campagne, / Je suis heureux.

Gentille et ravissante, / O ma canne charmante, / Mon seul espoir, / Orgueil de ma jeunesse, / Soutien de ma vieillesse, / J’aime à te voir.

Parcourant la distance / Du riant Tour de France, / Nos Compagnons, / Conservant ta mémoire, / Avec honneur et gloire, / Te porteront.

Si mes couplets, chers Frères / Ont pu vous satisfaire, / L’Enfant Chéri / Garde encore l’espérance / De faire au Tour de France, / Quelques écrits.

Remarques : Journolleau évoque l’origine provençale de la canne, car, selon la légende, c’est en souvenir de Maître Jacques, fondateur des compagnons du Devoir, que fut instituée la canne de jonc. Celui-ci, poursuivi par ses ennemis, se jeta dans un marais près de la Sainte-Baume, en Provence, et se cacha dans des joncs. Il en conserva toujours un sur lui, jusqu’à sa mort, en souvenir de cet épisode.
L’auteur de la chanson évoque aussi la blancheur de la pomme de la canne. Celle des boulangers est en effet en ivoire, donc blanche, pour rappeler la farine. Les tailleurs de pierre et les plâtriers ont aussi des cannes à pommeaux blancs.
La « taille gigantesque » de la canne n’est pas une métaphore. Celle de plusieurs corporations était haute (on l’appelait la « canne de longueur »). Elle atteignait la hauteur du coeur du compagnon et constituait une arme redoutable en cas d’agression ou d’attaque.
Enfin, « l’aurore des beaux yeux » de la canne, fait allusion au petit cylindre d’ivoire passé dans chacun des deux orifices latéraux (les oeilletons) ménagés sous le pommeau, dans lesquels on passe un cordon de soie tressée qui se termine par deux pompons ou, plus simplement, une petite lanière de cuir.

L’illustration représente un compagnon boulanger à l’époque de Journolleau, puisqu’elle fut éditée par PERDIGUIER en 1858, avec d’autres images de compagnons en tenue, sur l’une des quatre planches intitulées « Le Compagnonnage illustré ». Le boulanger tient fièrement sa canne et porte ses « couleurs » (rubans) à la boutonnière, ainsi qu’une écharpe, insigne de sa fonction de Premier en ville (président).

Article rédigé par Laurent Bastard. Merci :)

3 Comments to “La canne, belle comme une femme, selon « Rochelais l’enfant chéri »”

  1. [...] de l’hommage fervent rendu à cette compagne du tour par le compagnon boulanger Journolleau, (voir l’article). Cependant, deux autres compagnonnages ont attribué fréquemment ce surnom à leurs membres. Il [...]

  2. [...] boulangers vouaient une véritable dévotion à leur canne. Le compagnon Journolleau dit Rochelais l’Enfant chéri en parle comme d’une bien-aimée (voir l’article) et les surnoms associant la canne au nom de province sont particulièrement [...]

  3. [...] la comparaison canne / femme, on se reportera aux articles précédents : La canne, belle comme une femme, selon « Rochelais l’Enfant Chéri » (03-05-2010), L’énigme de la canne en vers (24-08-2011), « Adieux à ma [...]

Leave a Reply