Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
Bibliothèque de ressources historiques, culturelles, artistiques, litteraires, sportives…sur la canne et le bâton, en France et dans le monde…
UNE CHAISE POUR LA CANNE ET UNE POUR LES GANTS

L’importance extrême accordée autrefois à la canne et aux gants, comme s’il s’agissait d’une partie de soi-même, pouvait conduire à des épisodes tragiques. On en trouve un exemple sous la plume de l’Anglais Thomas ANBUREY, auteur du « Journal d’un voyage fait dans l’Amérique septentrionale », traduit et publié à Paris en 1793, p. 377-379 (source : Google.livres).

Sous forme de lettres, il décrit le caractère des habitants de Virginie et évoque notamment la susceptibilité de certains habitants, prêts à se battre pour un rien. Sauf lorsqu’ils rencontrent quelqu’un qui soit aussi téméraire qu’eux. Désarmés, ils ne peuvent survivre, comme l’individu qui était trop attaché à sa canne et ses gants…

« Un soir de cet hiver, comme il était assis auprès du feu dans le café, il eut je ne sais quel besoin de sortir. Il mit sa canne sur une chaise et ses gants sur une autre, et dit en sortant : « Que quelqu’un ose y toucher avant mon retour ! ». Dans l’intervalle, entra un officier qui, ayant très grand froid, prit une des chaises, et l’approcha du feu. Quelqu’un de la compagnie lui dit que c’étaient là les chaises de M…, et lui répéta ce qu’il avait dit. « Que le diable l’emporte !, répliqua l’autre, une chaise suffit bien pour sa canne et ses gants, et pour lui aussi, je pense. »

L’autre, en rentrant, demanda avec empressement qui avait osé déranger ses gants et sa canne. L’officier lui dit que c’était lui, et ajouta que par le temps qu’il faisait, chacun devait se contenter d’une chaise. Notre brave, à ces mots, entra dans une violente colère, s’écria qu’on l’insultait, qu’on lui manquait de respect de la façon la plus grossière ; l’officier alors l’arrêta tout court en lui disant : « M…, j’avais souvent entendu parler de vous comme d’un crâne : mais voilà la première fois que je me rencontre avec vous. Je suis bien aise donc de vous dire que, quant à me battre, cela m’est tout aussi égal qu’à vous. Mais, pardieu monsieur, si vous dites encore un mot à ce sujet, je vous jette au travers du feu. »

De furieux qu’il était, notre homme devint calme à l’instant, s’assit sur sa chaise, et ne dit plus une parole. Mais environ dix minutes après il quitta la chambre. Il fut si surpris d’avoir pu recevoir un pareil outrage accompagné de menaces, que la tête lui en tourna. Le lendemain matin, il se brûla la cervelle. On le trouva dans un ruisseau étroit dont l’eau ne couvrait pas tout à fait son corps, avec un pistolet dans une main et un autre chargé sur le bord. »

Article rédigé par Laurent Baltard, merci.

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